La loi d’Evrett Rogers

Réfléchir à la dynamique du changement est l’un des incontournables de la thématique qui nous occupe ici. Elaborée en 1962, la loi d’Evrett Rogers pourrait offrir un cadre de réflexion facilitant la stratégie de mise en place de nouveaux projets ou de nouvelles orientations.

Everett Rogers est, dès son plus jeune âge, confronté à la résistance au changement. Dans le contexte rural de l’Iowa (USA) des années 1930, certains agriculteurs refusent d’utiliser des semences traitées chimiquement pour mieux résister aux conditions climatiques et aux parasites. Si anecdotique soit-elle, cette expérience conditionnera, bien plus tard, son intérêt pour la diffusion de l’innovation. Alors qu’il est assistant d’un professeur de sociologie rurale, en 1962 à l’Université d’Etat d’Ohio, il publie un livre qui fera date. Son célèbre schéma, inspiré de la courbe de Gauss, est le fruit de ses recherches. Il définit cinq groupes de population dont le rapport à la nouveauté varie.

Les catégories d’adoptants

  1. Les novateurs sont les plus sensibles à l’innovation. Ils sont à l’affut du changement et partagent volontiers leur expérience avec d’autres. Leur besoin de changement est « interne » et dépend, dans une moindre mesure, des informations « externes ».
  2. Les premiers adoptants sont également friands de nouveauté et se laissent très vite convaincre par les précédents. Légèrement plus timorés, ils n’hésitent pas à exprimer leur évaluation de la nouveauté.
  3. La majorité précoce est constituée de « clients » plus réfléchis qui attendent les retours d’expérience des premiers avant de faire le pas. Ils sont plus sensibles aux informations « externes ».
  4. La majorité tardive est bien plus lente dans son processus d’adoption de la nouveauté. Elle attend qu’une large part de la population donne des preuves de l’intérêt du changement.
  5. La garde est constituée par des personnes qui perçoivent avant tout le changement comme une menace. Ces personnes ne se laissent convaincre que si les avantages de la nouveauté sont très largement supérieurs aux avantages de l’ancienne formule.

En 1991, le schéma de Rogers est révisé par Geoffrey Moore qui, dans son livre « Crossing the Chasm », introduit la notion d’abîme. Il définit deux sous-groupes dans les cinq groupes de Rogers. Les deux premiers sont qualifiés de sensibles à la performance (technologique) alors que les trois autres sont plus sensibles aux solutions et au confort. Ces derniers sont plus attentifs à la simplicité (d’usage), à la qualité (durabilité), à la confiance qui se dégage (des tests effectués) et aux avis favorables exprimés. Moore estime que la majorité des échecs en matière d’innovation se produisent au moment de chercher à convaincre non plus les individus (des deux premiers groupes), mais les masses des deux majorités.

Les critères d’adoption

Quant à Rogers, il a poursuivi ses recherches et identifié cinq éléments qui entrent en ligne de compte en matière d’adoption de la nouveauté.

  1. L’avantage relatif d’une innovation qui lui permet d’être perçue comme meilleure que d’autres ou que l’ancienne formule.
  2. La compatibilité est l’adéquation de l’innovation avec les valeurs, les expériences, les pratiques sociales et les normes des utilisateurs.
  3. La complexité (ou la simplicité) d’une innovation va définir l’énergie nécessaire pour adopter la nouveauté. Plus celle-ci sera grande, plus la résistance sera importante.
  4. La souplesse d’une nouveauté est définie par la possibilité de contribuer à faire des modifications avant de s’engager à l’utiliser. Celle-ci va jouer sur le degré de confiance accordé à l’innovation.
  5. L’observabilité concerne la clarté des résultats, des effets produits. Plus ceux-ci sont patents, plus la nouveauté sera perçue comme porteuse d’un changement mesurable.

Les recherches (Rogers 1995, Moore et Benbasat 1991) ont montré que la combinaison de ces facteurs joue un rôle important.

Quelques éléments d’appréciation

Il y a diverses manières d’intégrer la Loi d’Everett Rogers dans les dynamiques de créativité que les lieux d’Église cherchent à développer.

  • Accepter le fait que la nouveauté génère des interrogations et des résistances. Ne pas les considérer trop rapidement comme des feux rouges.
  • Tenir compte de la temporalité différente en matière de présentation de toute nouveauté.
  • Identifier les personnes des deux premiers groupes et chercher à établir des alliances avec elles.
  • Identifier les personnes et les groupes de la majorité précoce et comprendre quels aspects d’un projet pourront les convaincre.
  • Identifier les personnes et les groupes de la majorité tardive et chercher à surmonter avec elles les obstacles, les objections (souvent fondées) et les réticences (souvent plus émotionnelles).
  • Identifier les personnes de la garde et travailler à mieux profiler le projet (parfois en négociant certains aspects) pour que celui-ci ne soit pas perçu comme une menace.

Exploitation

Vous pouvez télécharger un pdf comprenant le schéma de Rogers et Moore dans l’idée de l’utiliser pour développer une nouvelle dynamique.

Abonnez-vous à notre lettre de nouvelles.