La bénédiction peut représenter cet instant où le banal, la passion ou l’amour sont valorisés, parce qu’ils sont ce qui fait le sens et ce qui permet l’échange.

La bénédiction : sacraliser le banal sans banaliser le sacré

Les Assises romandes de liturgie se sont tenues en novembre 2022 à l’Université de Lausanne autour du thème de la bénédiction et de la superstition. Retour sur toute une série d’innovations présentées et discutées.

L’épineuse question des nouvelles formes de bénédictions était au cœur de cette rencontre organisée par l’Office protestant de la formation et l’Institut lémanique de théologie pratique. Il s’agit d’interroger un difficile jeu d’équilibre. Celui auquel se confronte l’Église aujourd’hui, dans une perspective critique exigeante. Une pratique à la fois promesse du don de l’amour de Dieu d’un côté, mais sujette à quelques craintes. Celles de ne laisser voir qu’un geste d’utilité sous couvert de popularité, alimentant des demandes égoïstes voire superstitieuses. 

La veille, une rencontre consacrée aux expériences et aux pratiques d’accompagnement des personnes LGBTQI+ dans l’Église prenait place à l’UNIL. Cet événement, titré extravagantes bénédictions, a permis aux participants de repenser et imaginer le futur de l’innovation dans les rapports avec les traditions. Parmi les intervenantes et intervenants, on pouvait retrouver des chercheurs, des théologiens et même des drags queens théologiennes! L’auteur et artiste Ari Lee qui pratique l’accompagnement spirituel et le maquillage artistique était présent ce jour-là. On en trouve un reflet dans cet article.

Une matinée de découvertes

Durant toute la matinée, les participants et participantes ont pris part  à différents ateliers. Les sujets étaient aussi divers que fascinants : bénédictions d’animaux, des motards, spécificités de la bénédiction dans l’Église catholique, les déclinaisons de la bénédiction nuptiale, l’usage de la gestuelle dans les rites ou encore la bénédiction malagasy (ou malgache). L’après-midi a permis d’élargir l’échange autour des ateliers et des idées exprimées. La qualité des débats et la bienveillance des participants permettent d’exprimer des paroles sereines face à ces propositions d’innovations, sans feindre d’ignorer les enjeux contemporains auxquels l’Église est confrontée. Au moment de discuter des déclinaisons de la bénédiction nuptiale, la question du déclin de la pratique est rejetée pour souligner la diversité des attentes. « Ces nouvelles liturgies, inclusives et novatrices, se présentent moins comme des changements utiles faces aux individualités que comme de véritables offres créatives à l’intention de toute la communauté protestante » explique une participante, pour qui la créativité n’est rien de moins que le message de Dieu.

Se prévenir de la banalisation

La bénédiction des motards soulève un certain nombre de questions propres.. Comment inclure réellement les pratiques motorisées dans le projet d’une Église sensibilisée par l’écologie ? L’Église a-t-elle vocation à n’être qu’un hobby ou une partie de celui-ci ? N’y a-t-il pas un risque de banaliser la bénédiction elle-même? Animateur de cette thématique, le pasteur Guy Labarraque offre quelques pistes de réflexion : « L’église doit s’envisager aussi comme un espace de rencontre. Rien ne nous empêche de partir d’un facteur commun, ici le hobby de la moto, pour aller vers celle-ci ensuite. » La bénédiction n’est pas une pratique que l’on réserve aux objets de valeur. Au contraire, la bénédiction est une mise en valeur qui jamais ne dévalorise. « Un hobby, une passion, est beau parce qu’il donne sens à la vie. Dans le même temps, il nous permet, dans une communauté, d’entrer en contact et de parler à des personnes d’horizons tout autres que ceux qui peuvent être les nôtres » précise le pasteur.

Le précieux du quotidien

Dans le prolongement, la bénédiction des animaux apporte d’autres éléments. L’une des particularités du protestantisme est la crainte de faire du banal un sacré indu. Une superstition. Ces formes de bénédictions pour animaux se doivent d’être perçues, au contraire, comme des moments de foi qui viennent du quotidien. C’est une grâce inattendue où le précieux n’est jamais banalisé. La pasteure Françoise Surdez considère que « S’ouvrir à la réalité du lien qui unit une personne à son animal, un lien qui parcourt la Bible de la Genèse au livre de Job, c’est s’ouvrir plus, et donc mieux. »

Loin de n’être qu’un geste liturgique mécanique, la bénédiction peut représenter cet instant où le banal, la passion ou l’amour sont valorisés, parce qu’ils sont ce qui fait le sens et ce qui permet l’échange. C’est du quotidien, de la vie ordinaire, qu’émergent de nouveaux horizons pour la bénédiction. Leur faire une place c’est accueillir et toucher d’autres publics en renouvelant le sens d’une bénédiction plus englobante. 

Les sites respectifs de l’Office protestant de la formation et de l’Institut lémanique de théologie pratique vous permettront de vous tenir au courant des prochains évènements.

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