Quelques considérations autour de cette apostrophe publiée sur Facebook le 30 mai à propos du projet Khi : « Suis-je la seule pour laquelle évangélisation rime avec colonialisation ? »
La colonialisation est une affaire de mise sous tutelle et d’influence économique, politique, religieuse, etc. qui implique un colon dominant et un colonisé dominé. Un peu schématique, j’en conviens. Passons en revue quelques remarques.
D’un point de vue culturel, considérer que tout élan de promotion du christianisme relève d’une entreprise (néo)coloniale revient à ignorer l’état de fragilité dans lequel se trouve ce qui subsiste de la « chrétienté » sous nos latitudes. Non seulement elle n’est plus la référence unique, mais son champ d’influence se réduit d’année en année. Le christianisme est aujourd’hui noyé dans un océan de références, une fragmentation du croire et un émiettement des pratiques. Le colonialisme de grand-papa est bien loin de ces réalités.
Au niveau politique, un constat analogue nous amène à signaler la fin des alliances entre le sabre et le goupillon. Toute intrication potentielle des deux règnes fait immédiatement siffler les « lanceurs d’alerte » de la laïcité. Les quelques liens qui demeurent relèvent de gages de reconnaissance envers l’engagement social. Les subsides qui en résultent n’offrent pas de quoi lever une armée.
Théologiquement, l’entreprise de colonialisation religieuse se base sur l’évidence d’une supériorité dans la réception de la religion révélée (le christianisme dans le cas d’espèce) sur d’autres traditions et compréhensions. Depuis un certain temps déjà, le christianisme a réglé de nombreux comptes (et sa culpabilité) avec sa trop longue et complexe perspective hégémonique. De larges pans de la missiologie actuelle reposent sur ce constat.
Il conviendrait de s’interroger sur les œuvres coloniales contemporaines : colonialisme économique, culturel, technologique, etc. Dans quelle mesure, le christianisme est-il l’allié de telles entreprises ? A mon sens, l’héritage chrétien charrie plus d’éléments critiques que d’éléments complaisants envers ces nouvelles hégémonies.
Le fantôme du fantasme colonial, toutes traditions chrétiennes confondues, rode aujourd’hui encore. Dans son sillage, une culture du soupçon est encore bien présente. C’est sans doute mérité pour ce qui relève du passé, mais anachronique et non pertinent en ce qui concerne l’actualité. Pour ce qui relève de l’avenir, la sécularisation en marche n’a pas encore démontré son essoufflement.
Quant au projet Khi, il vise avant tout à insuffler un élan et une motivation. A transmettre une espérance et des horizons. A soutenir, mettre en valeur et fortifier des femmes et des hommes pour lesquels l’Evangile est une Bonne Nouvelle libératrice et non pas un instrument d’oppression. Pour soi, pour autrui.2 juin 2014 | Jean-Christophe Emery