L’évangélisation de la Corée et de la planète

Traditionnelle porte de ville sur fond de christianisme omniprésent.

Le pays du matin calme offre au visiteur une image très dynamique de la foi chrétienne. Les méga-églises de diverses obédiences ne désemplissent pas à tel point que des bénévoles gèrent la circulation aux abords des temples aux heures des cultes. La nuit, les néons en forme de croix concurrencent les enseignes publicitaires et les écrans géants. 17% de protestants et 10% de catholiques ont balayé, en quelques décennies, les religions shamanistes ou confucianistes, reléguées au rang peu reluisant de substrats folkloriques. Seul le bouddhisme résiste un peu en imitant les formules à succès des méga-temples charismatiques.

Réputée la plus grande au monde, la Yoido Full Gospel Church de Séoul est de type pentecôtiste (ADD).

Accompagnant l’incroyable essor économique et technologique, le christianisme est perçu comme la religion de la modernité. Les nouvelles technologies sont omniprésentes dans les lieux de culte et les prédications radiodiffusées se regardent dans le métro depuis son smartphone.

Les bâtiments de la Myungsung church.

Sans surprise, la vitalité des courants pentecôtistes donne le ton. Une certaine orthodoxie calviniste lui emboîte le pas, mais les courants théologiques plus libéraux ne sont pas à la traîne. Dans sa modeste salle de 7’200 places, la méga-église presbytérienne Myungsung nous permet de découvrir, lors de l’une de ses quatre cultes dominicaux, un service religieux très traditionnel dans sa forme et une prédication enflammée de 45 minutes qui tient en haleine le vaste public.

Quelques réflexions en forme d’invitation à commenter cet article.

Lors du service religieux dominical du Chendogyo. Seules 80-100 personnes sont présente aux quartiers généraux du mouvement à Séoul.

Les religions vivent et meurent. C’est particulièrement patent en Corée. Le christianisme a balayé les religions traditionnelles et d’autres courants dès lors tombés en désuétude. Typiquement, le chondogyo ne concernerait aujourd’hui plus que 20’000 pratiquants alors qu’il a connu son heure de gloire dans la lutte anti-japonaise des années 1920 avec plus de 3 millions de fidèles. Si des religions peuvent mourir au profit d’autres, si les bouddhistes peuvent tenter de s’inspirer des recettes des évangéliques pour tenter de survivre, si les religions ont leur propre cycle de vie, que signifie l’idée de mort et de résurrection dans une perspective chrétienne post-constantinienne vieillissante ?

Le christianisme est aussi une religion moderne. Considéré ici comme porteur d’archaïsmes ou de conservatisme crasse, le christianisme est, de l’autre côté du globe, la religion de l’individu moderne, technophile, empreint d’une ferveur et d’une vitalité toutes contemporaines. Les attentes miraculeuses, jadis portées sur le bouddhisme, le taoisme ou le confucianisme, ont rejoint les offres chrétiennes. Loin de balayer ces demandes comme des superstitions, les Eglises lui greffent un discours évangélique pour ramener l’attention du croyant à la source de leur foi.

Un évangéliste dans une rue de Séoul

Le dynamisme évangélisateur est notoire. Derrière les Etats-Unis, la Corée est le second pays à envoyer le plus de missionnaires. Par-delà les réflexions importantes sur les travers et les excès de cette réalité, il n’en reste pas moins un zèle impressionnant doublé d’une audace qui doit se mesurer à l’aune d’une société très normative et très individualiste. A l’ère où les discours missionnaires décomplexés émanent des ténors de l’informatique, de telles démonstrations de ferveur interpellent.

Cause ou conséquence ? Il est particulièrement ardu de chercher à déterminer s’il faut considérer l’essor chrétien de la Corée comme cause ou comme conséquence du boom économique. Un pasteur presbytérien analysait la chose en m’expliquant que la forte croissance des pentecôtistes est liée au besoin d’exprimer, dans des formes extraverties, la souffrance d’un peuple maintes fois humilié dans son histoire. Les évangéliques français, par la bouche du remuant journaliste Paul Ohlott affirment un peu rapidement que le réveil spirituel est source du miracle économique. Quoi qu’il en soit, les deux réalités sont étroitement associées, a tel point que la thématique de l’évangélisation doit nous conduire à nous interroger sur les facteurs internes (motivation, message, destinataires) comme les éléments externes (histoire, environnement socio-culturel).

Quelques pensées globales (le COE à Busan) [màj]

Quelques extraits du livre d’accompagnement de l’Assemblée mondiale du COE en Corée.

Le livre peut être intégralement téléchargé

Florilège de citations (publiées avec autorisation) :

Il fut un temps où l’on considérait que la mission était un mouvement allant du centre vers la périphérie, des privilégiés aux marginaux de la société. Désormais, les personnes vivant à la périphérie revendiquent le rôle clef qui leur revient d’être des agents de mission, et ils affirment que la mission est transformation. (p. 52)

Dans le passé, la mission chrétienne a parfois été comprise et pratiquée sous des formes qui ne reconnaissaient pas que Dieu est dans le camp des personnes qui sont en permanence repoussées à la périphérie. C’est pourquoi la mission depuis la périphérie invite l’Église à repenser la mission pour y voir une invitation faite par l’Esprit de Dieu qui œuvre pour un monde dans lequel la plénitude de vie sera offerte à tous. (p. 59)

Nous vivons dans un monde où la foi en Mammon menace la crédibilité de l’Évangile. L’idéologie du marché diffuse la propagande selon laquelle le marché global sauvera le monde grâce à une croissance illimitée. (p. 53)

Nous avons tendance à concevoir et pratiquer la mission comme quelque chose que l’humanité fait pour d’autres. Au contraire, les humains peuvent participer en communion avec l’ensemble de la création à la célébration de l’œuvre du Créateur. (p. 56)

Ce n’est pas à nous d’affirmer que l’Esprit est avec nous; ce sont les autres qui doivent le reconnaître du fait de la vie que nous menons. (p. 57)

L’Église est appelée à être une communauté inclusive qui accueille tout le monde. Par ses paroles et par ses actes, et dans son existence même, l’Église est un avant-goût du règne à venir de Dieu et elle en témoigne. L’Église est le rassemblement des fidèles et leur envoi en paix. (p. 64)

Différentes Églises ont des façons diverses de concevoir la manière dont l’Esprit nous appelle à évangéliser dans nos contextes respectifs. Pour certaines, évan- géliser consiste essentiellement à amener des personnes à une conversion personnelle par Jésus Christ; pour d’autres, il s’agit d’être en solidarité et de proposer le témoignage chrétien au travers de la présence auprès de personnes opprimées; d’autres encore con- sidèrent l’évangélisation comme une composante de la mission de Dieu. Différentes traditions chrétiennes présentent sous des formes différentes certains aspects de la mis- sion et de l’évangélisation. Cela dit, nous pouvons quand même affirmer que l’Esprit nous appelle toujours à adopter une conception de l’évangélisation qui soit ancrée dans la vie de l’Église locale dans laquelle le culte (leitourgia) est indissolublement lié au témoignage (marturia), au service (diakonia) et à la communion (koinonia). (p. 70)

Malheureusement, la pratique de l’évangélisation a parfois trahi l’Évangile au lieu de l’incarner. (p. 71)

L’évangélisation authentique s’enracine dans l’humilité et le respect pour toutes les personnes, et elle s’épanouit dans le contexte du dialogue. (p. 71)

On trouvera ci-dessous quelques ressources du COE sur la mission et l’évangélisation.

Le document (pdf 1Mo) Ensemble vers la vie : mission et évangélisation dans des contextes en évolution

Le site de la Commission mission et évangélisation (CME)

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