Regard d’ailleurs sur mon Église et mon pays

Par Alain Monnard, pasteur

Revenu récemment d’un envoi de quatre ans à l’Ile Maurice en lien avec DM-échange et mission, je vis un certain décalage entre ce que j’ai vécu là-bas et ce que je trouve ici. Un décalage aussi entre ce que je croyais être et ce que je suis devenu à travers cette expérience.

Tout l’enjeu pour moi est de ne pas simplement « remettre les prises là où je les avais enlevées en 2009 », mais de prendre réellement en compte mon devenir, sans me marginaliser, de valoriser mon regard d’étranger, sans apparaitre trop étrange pour être écouté.

La première chose qui me frappe en rentrant en Suisse, c’est la richesse, mais aussi le poids de la tradition. Les bâtiments, les liturgies, les références historiques frappent quand on revient de l’Église presbytérienne de Maurice, âgée que de 200 ans et composée principalement des descendants d’esclaves métissés, une population souffrant d’une carence douloureuse de racines. C’est un trésor d’avoir cet ancrage, mais ça peut aussi être un piège pour l’adaptation au monde, car notre mission d’habiter et de faire vivre de magnifiques édifices historiques nous fige et nous formate d’une manière très contraignante.

Le deuxième point touche à la centralité du ministre, particulièrement du pasteur. A Maurice, tous les fidèles s’impliquent d’une manière ou d’une autre, un culte est une oeuvre commune impliquant une quinzaine de personnes (lecteur, conduite de la prière, intercession, chorale, musiciens, danseurs, assistants pour la Cène, offrande, annonces,…). Ici, j’ai ressenti une sorte de solitude quand je célébrais, seul devant tout le monde, avec peu d’interaction. Le sacerdoce universel apparaît abstrait dans mon pays, alors que j’avais l’impression qu’il était acquis.

L’âge moyen des paroissiens me touche également. A Maurice la moyenne d’âge doit être de 35 ans dans une communauté. Ma paroisse était petite, environ 80 membres dont 60 pratiquants, mais il y avait beaucoup de jeunes. Je me dis que c’est difficile d’intéresser des tranches d’âges qui ne sont pas vraiment représentées dans une communauté. Et j’ai l’impression que notre manière de penser, de fonctionner, de communiquer n’est pas adaptée à des personnes de moins de 40 ans.

Le quatrième point: ayant été immergé dans une communauté paroissiale très vivante, j’ai l’impression que le corps communautaire ici est déchiré et fatigué. L’individualisme cumulé à l’éclatement des conceptions du croire semble produire une identité collective éclatée et peu motivante. La pudeur des Réformés fait apparaître le paroissien engagé comme quelqu’un de généreux et d’attaché à des valeurs humanistes, plus qu’une personne dont la foi change profondément la vie. Je sais que ce n’est pas le cas, mais comme la vie spirituelle des laïcs a peu droit à la parole, elle me paraît insuffisamment valorisée.

Enfin, je terminerai par un point positif, maintes fois répété mais suffisamment fragile pour qu’on en prenne un soin extrême (comme ça aurait dû être le cas du dodo à Maurice quand cet oiseau existait encore) : c’est le capital confiance que la population ressent envers notre Église et l’ouverture des familles et des institutions à notre présence. C’est un trésor qui nous reste encore pour peu de temps de la Chrétienté d’où notre Église est née. Ces occasions de rencontres et de partage de l’Évangile sont des privilèges très précieux à soigner à tout prix.

Reportage vidéo de cette expérience (DM-échange et mission)

La foi en vert ou pas

La célèbre loi de l’offre et de la demande appliquée au champ de l’écologie et de l’offre chrétienne. Il y a largement de quoi méditer et… pourquoi pas, transposer à d’autres domaines…

Article sur Protestinfo

Sécularisation, recherche spirituelle : le point

Ecouter l’interview

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Les mécanismes de perte d’influence du religieux sont en marche depuis plus de 40 ans. Longtemps, ils se sont accompagnés d’une montée d’intérêt pour des offres de spiritualité non institutionnelle. Cette demande est bientôt terminée, prédit le sociologue Philippe Gonzalez, maître assistant à l’Université de Lausanne.

Certaines études de sociologues, faites à la fin des années 2000, sont très intéressantes. Les théories sur la sécularisation prédisaient, en gros, la disparition des religions avec la progression de la modernité.

Les sociologues se sont rendus compte que c’est valable pour l’Europe. Mais que le modèle européen reste une exception dans le monde.

En affinant les modèles sur l’Europe, on a découvert que la sécularisation progresse, mais aussi, qu’elle s’accompagne d’une sorte de progression de la spiritualité. Cette progression cache une autre progression qui lui succède : celle d’une société complètement sécularisée.

La sécularisation signifie que la religion institutionnelle s’affaiblit considérablement, voire, disparaît. On le voit bien aujourd’hui, la demande relève de la démarche spirituelle, mais surtout pas du religieux institutionnel.

Les attentes sont individualisées, le clergé n’en a pas la maîtrise. Les rites peuvent être inventés et la vie n’est pas encadrée par les doctrines.

La montée de ce spirituel inspirait au sociologue des réflexions sur la disparition des institutions religieuses et la persistance du fond spirituel. Ce n’est pas vraiment ce que l’on observe en Europe.

La génération qui s’est reconnue dans la spiritualité, on peut la désigner comme étant celle des post ’68. La génération suivante est complètement hors de ces ressources de spiritualité. Elle ne va pas chercher dans les traditions ésotériques. Elle ne va pas puiser dans les traditions orientales des réponses à ses questions existentielles.

On assiste à une sortie du religieux. Cela ne veut pas dire qu’il y a pas des questions fondamentales relatives au sens l’existence. Mais les lieux pour y répondre sont différents. Le sens n’est pas cherché auprès des religions institutionnelles d’ici ou des traditions spirituelles d’ailleurs.

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