Une méthode d’analyse et de gestion de projet : le « cadre logique »

Le cadre logique est un outil largement répandu dans les ONG et les organismes gouvernementaux de coopération et de développement pour analyser une situation problématique dans une communauté et construire un projet qui permette d’identifier ce qui dysfonctionne et d’améliorer ce qui va bien.

Proche de la recherche-action cet outil à la fois très structuré et très souple permet d’aborder des situations complexes de manière systématique et de développer rapidement des solutions réalistes qui tiennent compte des partenaires (besoins, compétences, culture,…) et des réalités de terrain (ressources, difficultés, réseaux locaux,…). Dans le cadre de son envoi à l’Ile Maurice par DM-échange et mission, Alain Monnard a eu l’occasion de mettre en oeuvre le cadre logique dans la conception et le pilotage de ce que la CEVAA appelle le « Programme missionnaire », c’est à dire un ensemble de projets de témoignage et de solidarité.

Il a beaucoup apprécié l’approche de la coopération, plutôt que celle du management classique (business plan plus ou moins « baptisé »), car elle permet de tenir compte des valeurs et des conceptions du monde, des partenaires professionnels, bénévoles et institutionnels dans une logique systémique. De plus, un niveau d’exigence permet de cibler des projets qui sont pertinents, efficaces et efficients, avec un impact durable.

Il raconte : Il a fallu une année pour réaliser le programme dans une large démarche de coopération. C’est long pour l’homme, mais très cours pour une Eglise de 1000 membres (ce qui correspondrait à un échelon régional dans l’EERV). Ensuite, nous l’avons mis en oeuvre avec tout ce que cela implique de formation des membres et d’ajustements progressifs. Je suis convaincu que l’utilisation de cet outil peut contribuer à un renouvellement dans nos Eglises, nous sortir de la sinistrose et nous emmener dans une aventure réjouissante de croissance personnelle et communautaire.

Quelques références :

Un exemple sur le site de l’UNESCO

Un descriptif sur le site du label Zewo

Un descriptif sur le site eval.fr

Un document d’information assez détaillé à télécharger en pdf sur le site eval.fr

Osez la contagion de la confiance !

Une invitation, un encouragement, une analyse, des pistes pour être et travailler l’identité des croyants et des Églises.

C’est une magnifique conférence prononcée par Laurent Schlumberger dans le Centre de Sornetan le 30 avril 2011.

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On peut signaler deux ouvrages stimulants du pasteur Schlumberger.

Sur le seuil, paru en 2005 et réédité en 2016, un texte court, incisif et défiant autour du témoignage et de l’évangélisation.

A l’Église qui vient, paru en 2017, qui est constitué d’un florilège de textes nourrissants qui font progresser la réflexion sur la pertinence de l’Évangile, la plausibilité de l’Église et la nécessité de travailler une théologie en mouvement.

Une synthèse sur l’évangélisation signée Jacques Matthey

C’est le texte d’un exposé fait en 2008 à l’Association des pasteurs et diacres de l’EERV (aujourd’hui la Ministérielle) par Jacques Matthey, ancien directeur du programme « mission » au Conseil OEcuménique des Églises (COE).

Un bref constat suivi d’une invitation à renouer avec la passion est suivi d’éléments de typologie qui permettent de structurer les formes d’évangélisation. Ce texte court (14 pages) offre une belle synthèse de la thématique. Il n’a rien perdu de son actualité.

Télécharger le pdf de cette intervention

Croire et/ou appartenir

La sociologue britannique Grace Davie a publié, en 1994, un ouvrage sur les convictions religieuses et la sécularisation en Grande Bretagne depuis 1945. L’un des éléments saillants de cette recherche a consisté à développer des outils conceptuels permettant d’exprimer les convictions religieuses détachées de l’engagement ecclésial. En français on parle des croyants non pratiquants ou des distancés. Il s’agit essentiellement de distinguer deux éléments du processus d’identification religieuse. Cette simplification met en évidence une matrice qui peut s’avérer utile pour travailler la question de l’évangélisation. En voici succinctement quelques points.

  • [A] La personne se définit comme non croyant et non pratiquant.
  • [C] La personne confesse une conviction personnelle, mais celle-ci n’est pas liée à un engagement collectif.
  • [B] La personne se définit comme appartenant à une entité ecclésiale (ou un projet de cette nature), mais ne se prononce pas explicitement comme croyante.
  • [D] La personne se définit comme croyante et pratiquante.

Sans doute s’agit-il de nuancer ces éléments puisque les convictions comme les appartenances sont aujourd’hui d’une grande mobilité. De plus, il est particulièrement délicat de chercher à évaluer la force des convictions ou celle des appartenances. Bien que réducteur, ce schéma a le mérite d’inviter à la réflexion, à l’analyse de nos activités et à un travail sur l’action.

A l’aide de ce schéma, on peut s’interroger sur le passage d’une personne en forte distance [A] à l’état de croyant et pratiquant [D]. Celui-ci peut s’effectuer selon trois modalités non exclusives.

1. La conversion

Lorsqu’une personne embrasse la foi et la pratique religieuse avec une simultanéité, on parle de « conversion ». Souvent associée à une certaine soudaineté, parfois une radicalité, cette trajectoire personnelle est plutôt marquée par la rupture.

Traditionnellement, les groupes qui valorisent fortement la conversion misent sur la prédication et l’appel à la conversion (évangéliques) et/ou l’expérience religieuse émotionnelle (charismatiques).

2. La découverte spirituelle

La démarche peut aussi s’opérer en deux temps. Passer de [A] à [C] par le biais d’un cheminement spirituel détaché et d’un engagement à plus long terme (une session de formation par exemple). Puis passer de [C] à [D] en prenant conscience que la foi ne se réduit pas à une démarche privée.

Les offres de développement personnel, parcours de spiritualité, pratique de méditation, etc. s’inscrivent dans cette perspective.

3. L’insertion relationnelle

Il est aussi possible d’envisager l’itinéraire qui consiste a d’abord rejoindre un groupe de croyants en envisageant un engagement concret.[A] -> [B]. Dans un second temps, la personne envisage positivement la pratique et l’adhésion à la foi  [C] -> [D].

Les groupes orientés sur l’action sociale, les événements de type « fête paroissiale » ou les groupes de maison représentent quelques-unes des formes plus sensibles à cette approche.

Si l’on croise cette réflexion avec des éléments liés aux quatre modèles missionnaires du Nouveau Testament, on peut établir le schéma suivant :

Ce visuel permet :

  • D’analyser les activités existantes pour évaluer les présupposés qu’elles renferment en terme d’affiliation et de conviction.
  • D’orienter de nouvelles activités vers des modèles missionnaires inexploités.
  • De valoriser la diversité des approches et des sensibilités personnelles.
  • De situer les réponses fournies par l’outil de test personnel « contactGPS« .

La loi d’Evrett Rogers

Réfléchir à la dynamique du changement est l’un des incontournables de la thématique qui nous occupe ici. Elaborée en 1962, la loi d’Evrett Rogers pourrait offrir un cadre de réflexion facilitant la stratégie de mise en place de nouveaux projets ou de nouvelles orientations.

Everett Rogers est, dès son plus jeune âge, confronté à la résistance au changement. Dans le contexte rural de l’Iowa (USA) des années 1930, certains agriculteurs refusent d’utiliser des semences traitées chimiquement pour mieux résister aux conditions climatiques et aux parasites. Si anecdotique soit-elle, cette expérience conditionnera, bien plus tard, son intérêt pour la diffusion de l’innovation. Alors qu’il est assistant d’un professeur de sociologie rurale, en 1962 à l’Université d’Etat d’Ohio, il publie un livre qui fera date. Son célèbre schéma, inspiré de la courbe de Gauss, est le fruit de ses recherches. Il définit cinq groupes de population dont le rapport à la nouveauté varie.

Les catégories d’adoptants

  1. Les novateurs sont les plus sensibles à l’innovation. Ils sont à l’affut du changement et partagent volontiers leur expérience avec d’autres. Leur besoin de changement est « interne » et dépend, dans une moindre mesure, des informations « externes ».
  2. Les premiers adoptants sont également friands de nouveauté et se laissent très vite convaincre par les précédents. Légèrement plus timorés, ils n’hésitent pas à exprimer leur évaluation de la nouveauté.
  3. La majorité précoce est constituée de « clients » plus réfléchis qui attendent les retours d’expérience des premiers avant de faire le pas. Ils sont plus sensibles aux informations « externes ».
  4. La majorité tardive est bien plus lente dans son processus d’adoption de la nouveauté. Elle attend qu’une large part de la population donne des preuves de l’intérêt du changement.
  5. La garde est constituée par des personnes qui perçoivent avant tout le changement comme une menace. Ces personnes ne se laissent convaincre que si les avantages de la nouveauté sont très largement supérieurs aux avantages de l’ancienne formule.

En 1991, le schéma de Rogers est révisé par Geoffrey Moore qui, dans son livre « Crossing the Chasm », introduit la notion d’abîme. Il définit deux sous-groupes dans les cinq groupes de Rogers. Les deux premiers sont qualifiés de sensibles à la performance (technologique) alors que les trois autres sont plus sensibles aux solutions et au confort. Ces derniers sont plus attentifs à la simplicité (d’usage), à la qualité (durabilité), à la confiance qui se dégage (des tests effectués) et aux avis favorables exprimés. Moore estime que la majorité des échecs en matière d’innovation se produisent au moment de chercher à convaincre non plus les individus (des deux premiers groupes), mais les masses des deux majorités.

Les critères d’adoption

Quant à Rogers, il a poursuivi ses recherches et identifié cinq éléments qui entrent en ligne de compte en matière d’adoption de la nouveauté.

  1. L’avantage relatif d’une innovation qui lui permet d’être perçue comme meilleure que d’autres ou que l’ancienne formule.
  2. La compatibilité est l’adéquation de l’innovation avec les valeurs, les expériences, les pratiques sociales et les normes des utilisateurs.
  3. La complexité (ou la simplicité) d’une innovation va définir l’énergie nécessaire pour adopter la nouveauté. Plus celle-ci sera grande, plus la résistance sera importante.
  4. La souplesse d’une nouveauté est définie par la possibilité de contribuer à faire des modifications avant de s’engager à l’utiliser. Celle-ci va jouer sur le degré de confiance accordé à l’innovation.
  5. L’observabilité concerne la clarté des résultats, des effets produits. Plus ceux-ci sont patents, plus la nouveauté sera perçue comme porteuse d’un changement mesurable.

Les recherches (Rogers 1995, Moore et Benbasat 1991) ont montré que la combinaison de ces facteurs joue un rôle important.

Quelques éléments d’appréciation

Il y a diverses manières d’intégrer la Loi d’Everett Rogers dans les dynamiques de créativité que les lieux d’Église cherchent à développer.

  • Accepter le fait que la nouveauté génère des interrogations et des résistances. Ne pas les considérer trop rapidement comme des feux rouges.
  • Tenir compte de la temporalité différente en matière de présentation de toute nouveauté.
  • Identifier les personnes des deux premiers groupes et chercher à établir des alliances avec elles.
  • Identifier les personnes et les groupes de la majorité précoce et comprendre quels aspects d’un projet pourront les convaincre.
  • Identifier les personnes et les groupes de la majorité tardive et chercher à surmonter avec elles les obstacles, les objections (souvent fondées) et les réticences (souvent plus émotionnelles).
  • Identifier les personnes de la garde et travailler à mieux profiler le projet (parfois en négociant certains aspects) pour que celui-ci ne soit pas perçu comme une menace.

Exploitation

Vous pouvez télécharger un pdf comprenant le schéma de Rogers et Moore dans l’idée de l’utiliser pour développer une nouvelle dynamique.

En route !

Voici les liens permettant de télécharger les documents liés à la mise en oeuvre de ce projet.

Le rapport du Conseil Synodal tel que présenté à la session du Synode des 15-16 juin 2012 (pdf 1 Mo)

 

 

Le rapport de la Commission d’Examen rendu à la même session du Synode (pdf 800 Ko)

 

 

Un extrait du procès verbal du Synode des 15-16 juin 2012 concernant le projet « évangélisation » (pdf 500 Ko)

 

 

Le programme de législature 2009 – 2014 (pdf 900 Ko)

 

 

Revaloriser l’évangélisation dans l’Église réformée

Un document de réflexion destiné à fournir un embryon théologique à une réflexion plus vaste sur la question de l’évangélisation. Signé Martin Hoegger, retravaillé par Jean-Denis Roquet, François Rochat et Alain Wyss. Contient quelques belles références à la manière dont le thème était considéré en 2005 ! Télécharger (pdf 240 Ko)

Regard d’ailleurs sur mon Église et mon pays

Par Alain Monnard, pasteur

Revenu récemment d’un envoi de quatre ans à l’Ile Maurice en lien avec DM-échange et mission, je vis un certain décalage entre ce que j’ai vécu là-bas et ce que je trouve ici. Un décalage aussi entre ce que je croyais être et ce que je suis devenu à travers cette expérience.

Tout l’enjeu pour moi est de ne pas simplement « remettre les prises là où je les avais enlevées en 2009 », mais de prendre réellement en compte mon devenir, sans me marginaliser, de valoriser mon regard d’étranger, sans apparaitre trop étrange pour être écouté.

La première chose qui me frappe en rentrant en Suisse, c’est la richesse, mais aussi le poids de la tradition. Les bâtiments, les liturgies, les références historiques frappent quand on revient de l’Église presbytérienne de Maurice, âgée que de 200 ans et composée principalement des descendants d’esclaves métissés, une population souffrant d’une carence douloureuse de racines. C’est un trésor d’avoir cet ancrage, mais ça peut aussi être un piège pour l’adaptation au monde, car notre mission d’habiter et de faire vivre de magnifiques édifices historiques nous fige et nous formate d’une manière très contraignante.

Le deuxième point touche à la centralité du ministre, particulièrement du pasteur. A Maurice, tous les fidèles s’impliquent d’une manière ou d’une autre, un culte est une oeuvre commune impliquant une quinzaine de personnes (lecteur, conduite de la prière, intercession, chorale, musiciens, danseurs, assistants pour la Cène, offrande, annonces,…). Ici, j’ai ressenti une sorte de solitude quand je célébrais, seul devant tout le monde, avec peu d’interaction. Le sacerdoce universel apparaît abstrait dans mon pays, alors que j’avais l’impression qu’il était acquis.

L’âge moyen des paroissiens me touche également. A Maurice la moyenne d’âge doit être de 35 ans dans une communauté. Ma paroisse était petite, environ 80 membres dont 60 pratiquants, mais il y avait beaucoup de jeunes. Je me dis que c’est difficile d’intéresser des tranches d’âges qui ne sont pas vraiment représentées dans une communauté. Et j’ai l’impression que notre manière de penser, de fonctionner, de communiquer n’est pas adaptée à des personnes de moins de 40 ans.

Le quatrième point: ayant été immergé dans une communauté paroissiale très vivante, j’ai l’impression que le corps communautaire ici est déchiré et fatigué. L’individualisme cumulé à l’éclatement des conceptions du croire semble produire une identité collective éclatée et peu motivante. La pudeur des Réformés fait apparaître le paroissien engagé comme quelqu’un de généreux et d’attaché à des valeurs humanistes, plus qu’une personne dont la foi change profondément la vie. Je sais que ce n’est pas le cas, mais comme la vie spirituelle des laïcs a peu droit à la parole, elle me paraît insuffisamment valorisée.

Enfin, je terminerai par un point positif, maintes fois répété mais suffisamment fragile pour qu’on en prenne un soin extrême (comme ça aurait dû être le cas du dodo à Maurice quand cet oiseau existait encore) : c’est le capital confiance que la population ressent envers notre Église et l’ouverture des familles et des institutions à notre présence. C’est un trésor qui nous reste encore pour peu de temps de la Chrétienté d’où notre Église est née. Ces occasions de rencontres et de partage de l’Évangile sont des privilèges très précieux à soigner à tout prix.

Reportage vidéo de cette expérience (DM-échange et mission)

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