L’histoire des « Église émergentes »

Les Églises émergentes ne peuvent pas se targuer de connaître une histoire linéaire. Il faudrait plutôt parler d’un essor multipolaire de formes d’Églises créatives dont l’évolution tend à former une image cohérente. On peut néanmoins situer quelques figures tutélaires, quelques ouvrages emblématiques et quelques réseaux identifiés.

En 1970, Ralph Osborne et Bruce Larson, deux pasteurs presbytériens américains publient « The emerging church ». Ce livre part du constat de l’élargissement croissant du fossé culturel entre les formes d’Églises et la société. Loin de céder aux sirènes du découragement ou de la méthode Coué, il en appelle à de nouvelles émergences et en esquisse sommairement quelques pistes. Les églises du XXIe siècle auront une approche expérimentale, elles s’affranchiront des lourdeurs institutionnelles, seront à l’écoute du changement, devront gérer leur héritage et trouver de nouvelles orientations. Elle manieront le « et » plutôt que le « ou ».

Presque dix ans plus tard, un évêque anglican, John Spong publie un article qui fait date : « The emerging church : A new form of era ». Dans une brève analyse, il observe l’adaptation des formes d’Églises aux grandes tendances sociétales. Il en déduit la nécessité d’opérer en permanence un travail d’ajustement culturel.

D’autres racines des courants émergents sont à chercher auprès du développement académique des « Congregational studies ». Dès les années 1980, des groupes de sociologues, de psychologues, d’historiens et de théologiens s’unissent pour analyser l’évolution des pratiques religieuses et proposer des adaptations aux communautés. La première conférence nationale américaine, en 1982, voit ses actes publiés l’année suivante sous le titre « Building effective ministry : theory and practice in the local church ». C’est le début d’une série de manuels et d’événements qui tissent un réseau et contribuent à irriguer les responsables de communautés.

Dans ces mêmes années, Bob Budford, riche héritier d’une chaîne de télévisions lance, en compagnie de sa femme Linda, un vaste réseau centré sur la croissance et le développement d’Églises. Le « Leadership Network » fonctionne comme une entreprise de services et s’oriente, dans un premier temps, sur les groupes de plus de 1’000 membres. Il fournit du matériel, organise des séminaires de motivation et des conférences à succès. Il engage des animateurs expérimenté et forme des pionniers. En 1995 démarre une branche dédiée à la jeunesse avec le « Young Leadership Network » à la tête duquel Tony Jones sera bientôt l’une des figures de proue du courant émergent.

Au début des années 1990, l’association de Brad Smith, alors directeur du Leadership Network, avec l’éditeur de livres religieux Zondervan, marque l’arrivée d’une maison d’éditions dans la course. L’expression « émergente » prend son envol avec l’arrivée d’auteurs comme Doug Pagitt, Darrell Guder, Mark Driscoll ou Brian McLaren. Ce dernier publie en 1998 un opus de référence  « Church on the other side » dans lequel il fait état de son expérience de mise en route d’une Église émergente dans le Maryland. Cette communauté, « Cedar Ridge« , devient rapidement un fleuron d’Église émergente.

Dans les années 2000, les groupes et les initiatives se multiplient. Un collectif appelé « Emergent village » se présente comme un réseau prolifique. Après une bisbille, en 2008, il se réorganise et devient patheos.com.

Une première conférence nationale américaine centrée autour des Églises émergentes se tient en 2002 à San Diego. L’année suivante, les réformés américains lancent l’idée de démarrer 900 nouveaux projets de communautés d’ici 2018, date de leur 400e anniversaire. Le pasteur Timothy Vink est nommé coordinateur du projet « Church Multiplication« .

Dans le monde francophone, le site internet temoins.com constitue sans doute la source la mieux documentée.

L’histoire des « fresh expressions »

L’idée de stimuler la croissance des communautés, en cherchant à adapter les formes à l’évolution sociale, arrive en Angleterre au milieu des années 1970. Celle-ci a pris racine aux États-Unis dès les années 1950 avec une littérature et une théologie missionnaires. Depuis la fin des années 1970, l’Angleterre est le théâtre d’un développement de groupes de croyants qui se rassemblent en marge des paroisses classiques. Sous l’impulsion d’initiatives personnelles de laïcs, parfois soutenus par leurs ministres, et encouragés par des campagnes d’évangélisation, des groupuscules commencent à poindre sur les écrans radars des sociologues au tout début des années 1980. Divers organes s’y emploient et la publication, en 1984, de « How to Plant Churches » par la British Church Growth Association, peut être vu comme le premier jalon d’une abondante littérature.

Dès 1987 et durant 20 ans, l’Église Holy Trinity Brompton organise une conférence annuelle sur l’implantation d’Églises. Avec le développement des « cours Alpha », elle se place rapidement en pôle position du développement de nouveaux groupes. Les actes de ces conférences sortent de presse en 1991 sous le label « Planting New Churches ». Alors que les médias commencent à s’intéresser à ce phénomène, la hiérarchie anglicane leur emboîte le pas et constitue un groupe de travail. L’enjeu double concerne aussi bien la gestion de quelques groupes « sauvages » que les inquiétudes grandissantes des paroisses traditionnelles.
En 1994 paraît un rapport qui marque un premier tournant dans l’histoire de ces formes d’Églises émergentes. « Breaking New Ground : Church Planting in the Church of England » identifie le phénomène, lui donne un cadre licite au sein de l’institution et formule quelques recommandations pour son développement. Tout en reconnaissant l’importance des paroisses territoriales, il parle de la nécessité de toucher le voisinage des populations non touchées par les structures en place. L’expansion se nourrit de cette reconnaissance et se poursuit dans un nouvel élan.

Un important travail de documentation et de visibilité de ces groupes se met en place dès 1999 avec les publications de George Lings et Claire Dalpra. Le magazine « Encounters on the Edge » s’intéresse à plus de 50 « fresh expressions » jusqu’en 2012. Il est aujourd’hui remplacé par la diffusion d’une série de clips vidéo.

Soucieuse de suivre la progression de ces groupes, l’Église anglicane d’Angleterre mandate un nouveau rapport évaluant l’état de la situation. En 2004, « Mission-Shaped Church : church planting and fresh expressions of church in a changing context » fait l’effet d’une bombe. Il popularise la notion de « fresh expressions », déjà présente dans le livre de 1993 de Gerald Arbuckle : Refounding the church. Ce document inscrit le développement de ces groupes dans ce qu’on peut qualifier de stratégie d’Église. Il pose des éléments d’une théologie missionnaire et d’un cadre de développement. Il utilise également la notion de « mixed economy » pour désigner la nécessité de pacifier la coexistence entre les nouvelles formes et les paroisses établies.

Dès lors, le nombre de ces groupes  connait une explosion, son intérêt international va grandissant et l’une des branches développe son propre label sous la désignation de « Messy churches« . Aujourd’hui, plusieurs milliers de groupes sont présents en Angleterre, Irlande et en Ecosse sous l’oeil attentif de nombreux sociologues. L’Université de Durham, au nord-est de la Grande-Bretagne, possède même un centre de recherche en matière de croissance d’Église. Deux autres documents d’importance sont à signaler. En 2014, un groupe de recherche soutenu par l’Église anglicane publie les résultats d’une vaste enquête effectuée dans dix diocèses de l’Église anglaise. « From anecdote to evidence » cherche à identifier statistiquement quels sont les paramètres de la croissance de l’une de ces micro-églises. Il se penche sur huit critères de développement qui sont exploités, dès 2015, dans du matériel destiné à stimuler les initiants de ces groupes.
« From evidence to action » prend les contours d’un site internet qui propose des formations, de la documentation et un réseau d’acteurs.

Le réseau des « fresh expressions » est présent en Suisse et le Labo Khi est impliqué dans son élaboration. Les informations sont présentes sur le site freshexpressions.ch

23 nov. 2017 | La Cuvée de la Réforme

La vente de bouteilles de vin à l’effigie de Réformateurs n’est que la pointe émergée de la vaste opération réalisée à l’occasion des 500 ans de la Réforme par la région Morges-Aubonne. 26 événements ont jalonné l’année 2017 avec la dégustation du vin comme fil conducteur. Plus de 750 entrées ont été enregistrées dans une série de rencontres théâtrales, poétiques, gastronomiques, intellectuelles et musicales. Plusieurs points sont soulignés en faveur de la réussite de ce projet : la complémentarité des compétences du noyau de base, la grande ouverture et la générosité des vignerons-encaveurs partenaires, l’efficacité de la communication et les nombreux soutiens bénévoles. Une réflexion de fond a été entreprise à mi-parcours, au moment de remettre du vin en bouteilles. Celle-ci a porté sur la nature même du projet, ses objectifs et sa méthodologie. Elle a permis de recadrer et de faire évoluer le concept tout en gardant son esprit d’origine.

Cette aventure a permis à l’équipe d’engranger une expérience considérable en matière de partenariat avec des professionnels locaux, de présence publique et d’ouverture.

La Cuvée de la Réforme a été présentée le 23 novembre 2017 par François Paccaud.

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2 nov. 2017 | L’arbre de vie, une présence dans un quartier

Mu par la volonté de partager l’Evangile dans le quartier multi-culturel Général Guisan à Vevey, une équipe de laïcs et de ministres a entrepris une démarche originale. Après une phase exploratoire, en 2014, diverses formes de présence ont été expérimentées. Des rencontres de discussion et de prière, des repas, des temps de célébration et des temps d’écoute ont permis, progressivement, d’entrer en lien avec les habitants de ce quartier et d’être identifié. L’objectif est de faire le pont entre un engagement social et une dimension spirituelle, ceci sans faire de prosélytisme. A l’heure actuelle, deux ministres ont un 10% de temps de travail à disposition et un animateur a pu être engagé à un petit pourcentage. Un local situé à proximité du quartier permet à une trentaine de personnes de vivre une célébration suivie d’un repas à un rythme mensuel. Ce projet à généré un noyau de soutien, il a pu s’inscrire dans la structure institutionnelle par le biais d’une reconnaissance à l’échelon de la région. L’expérience acquise au cours de son élaboration a permis de travailler fortement la question de l’acculturation de l’Evangile, le témoignage et le prosélytisme, le lien entre diaconie (service) et liturgie (célébration) ainsi que la possibilité de générer un élan hors des sentiers paroissiaux traditionnels.

L’arbre de Vie a été présenté par Olivier Keshavjee, l’un des initiateurs, le 2 novembre 2017.

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