18 jan. 2018 | Les quatre modèles missionnaires

Le Nouveau Testament témoigne de diverses postures en matière de diffusion du message chrétien et de constitution de communautés. A partir de quatre options de base que l’on peut discerner, il nous est possible de poser une analyse de nos actions ainsi que des réflexions proactives.
Bien que déjà expérimenté par certains, cette rencontre nous permettra d’approfondir le schéma théorique sous-jacent et d’en exploiter les arcanes.

Le schéma des quatre modèles missionnaires a été présenté le 18 janvier 2018 par Simon Weber et Jean-Christophe Emery

On trouvera de nombreuses explications dans cet article.

Religion et spiritualité à l’ère de l’ego*

Évolution

Durant les années 1960, se sont produites une perte de valeurs fondées sur le devoir et l’obéissance et une augmentation de celles fondées sur le développement personnel. Cela a conduit à une dévalorisation de la religion et de la religiosité : la religion a perdu sa fonction de légitimation et se voit désormais associée aux « anciennes valeurs », alors qu’apparaissent des valeurs indépendantes de la religion.

Dans ce contexte, les protestants réformés sont confrontés à une absence d’image qui n’apparaît pas, à l’inverse des catholiques, comme un ensemble clair et distinct. En phase avec le temps présent, ils font « partie du paysage religieux », sans être l’objet d’une attention spécifique et leurs offres n’intéressent pas.

De manière générale, on constate que, depuis 1950, les établis ont fortement décliné, qu’à l’inverse, les distanciés et les alternatifs connaissent une croissance, et que les « évangéliques » se maintiennent grâce à leur stratégie de clôture et de compétitivité.

Explication

La révolution culturelle des années 1960 a entraîné un changement du régime de concurrence : celui de la société industrielle a été supplanté par celui de la société de l’ego. C’est pourquoi aujourd’hui la société se comprend pour l’essentiel comme pluraliste, le christianisme n’étant en son sein plus qu’une religion parmi d’autres.

Les Églises ont perdu inconsciemment toujours plus de fonctions et se sont affaiblies de l’intérieur : les individus considèrent que la pratique religieuse relève fondamentalement d’une option facultative et se demandent ce que la pratique religieuse peut leur apporter en comparaison avec d’autres activités.

Conséquences

Les personnes, les fournisseurs religieux spirituels et la société dans son ensemble font face au défi de prendre en compte le fait que chacun vit désormais dans un monde où il peut et doit décider lui-même de sa conviction religieuse et de sa pratique, ne pouvant guère s’appuyer sur une tradition.

Les fournisseurs religieux ou spirituels doivent s’adapter à une situation dans laquelle les individus leur sont affiliés non pas en raison d’une tradition, mais en raison de leur propre choix, fondé sur une évaluation des services et des prestations (entraînant une situation de concurrence).

Cette concurrence de la société de l’ego signifie qu’ils ne peuvent plus se permettre de conflits publics autour du pouvoir, de l’influence et de l’hégémonie relative à l’interprétation du sens. Ils doivent engager de grands efforts pour « rester sur le marché », c’est-à-dire pour motiver les personnes à rendre disponibles leur temps, leur énergie et leur argent pour des objectifs religieux.

Cela explique que les Églises tentent de plus en plus d’appliquer des stratégies relevant du marketing (p. ex. prise en compte de la satisfaction du client, garantie qualité, publicité), une stratégie importante consistant à atteindre une certaine dimension pour être en mesure de résister aux conflits de concurrence (ce qui explique les phénomènes de fusions et les méga-églises).

L’Église de multitude cède donc de plus en plus la place à celle de professants avec, conjointement, de plus en plus de phénomènes hybrides, (offres partiellement spirituelles ou dont la spiritualité est peu identifiable).

Il semble donc que l’on assiste à une dissolution de la religiosité populaire qui allait de soi alors qu’apparaît une nouvelle ligne de conflit opposant des personnes aux croyances fortes et s’engageant pour leur foi à des sécularistes militants combattant la religion comme produit dérivé inutile, voire erreur de l’évolution.

 

*Jörg Stolz, Judith Könemann, Mallory Schneuwly Purdie, Thomas Englberger, Michael Krüggeler, Religion et spiritualité à l’ère de l’ego. Profils de l’institutionnel, de l’alternatif, du distancié et du séculier Genève, Labor et Fides, 2015.

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Le paysage religieux suisse

Le paysage religieux a fortement évolué au cours des décennies passées. Le pays traditionnellement bi-confessionnel est devenu un pays sécularisé et pluri-religieux. Plusieurs développements expliquent cette évolution :

  • l’individualisation ayant émergé de la révolution culturelle des années 1960, avec pour effet le libre choix de son appartenance religieuse laissé à l’individu lui-même;
  • l’augmentation massive des personnes sans confession depuis les années 60;
  • l’immigration de personnes appartenant à des communautés religieuses chrétiennes et non-chrétiennes ou sans appartenance religieuse.

Du c
ôté des chrétiens

Sur le plan religieux, en Suisse et en 2015, les catholiques et les évangéliques réformés continuent à diminuer et constituent moins des deux tiers de la population. Quelque 6% appartiennent à une autre communauté chrétienne. Si, en 1970, près de 95% de la population suisse étaient membres de l’Église catholique ou de l’Église évangélique-réformée, en 2015 seuls deux tiers environ de la population le sont encore. Les réformés sont particulièrement touchés, diminuant de moitié entre 1950 (56,3%) et 2015 (24,9%). Les catholiques résistent mieux grâce aux migrants dont de nombreux sont catholiques, même s’ils diminuent également.

Personnes sans confession

C’est l’évolution la plus frappante : près du quart de la population suisse se déclare sans confession. Cette forte augmentation au cours des 20 dernières années marque de son empreinte le paysage religieux de la Suisse et contribue à le transformer, principalement dans les cantons de Bâle-Ville (46,2%), de Neuchâtel (42,3%) et de Genève (38,9%) qui présentent les taux de personnes sans confession les plus élevés. Pour l’ensemble de la Suisse, on compte 23,9% de personnes sans confession.

Pluralité religieuse

Elle se manifeste dans l’augmentation légère de la part des autres communautés chrétiennes (ni catholiques, ni évangéliques réformées) et des communautés islamiques (5,1%). Toutefois, la pluralisation religieuse reste faible en comparaison de la sécularisation qui progresse encore à un rythme soutenu. Aux quelques sorties d’Église s’ajoute l’augmentation des personnes sans confession. Par ailleurs, de moins en moins d’enfants sont baptisés et le pourcentage de personnes sans confession a fortement augmenté parmi les migrants en provenance des États de l’UE et de l’AELE.

Augmentation des sorties d’Église

Entre 2011-2012 et 2015, leur nombre a augmenté dans la plupart des cantons, tant pour les Églises catholique romaine qu’évangélique réformée. Si, en Suisse, on note globalement qu’en 2013 huit membres sur 1’000 quittaient l’Église, ils sont presque dix sur 1’000 à l’avoir fait en 2015.

Église et mariages

Le nombre de mariages civils reste relativement stable depuis les années 1960 (soit env. 42’000/an), alors même que durant cette période, la population globale a augmenté de près de 50%.

En revanche, le nombre des mariages célébrés à l’Église a fortement diminué. Au cours de l’année 2015, en Suisse, 3’845 couples ont célébré leur mariage dans l’Église catholique et 3’870 couples dans l’Église évangélique réformée. En 2015, le taux de mariage catholique a été de 23% et celui de mariage réformé de 30%.

Les deux grandes Églises ont donc perdu le rôle, autrefois incontesté, dans ce domaine du mariage. Le choix d’un couple de se marier à l’église aujourd’hui s’est transformé de simple respect de la tradition en une décision à caractère religieux consenti. Dans ce contexte, les collaborateurs et les collaboratrices engagés par l’Église pour la pastorale sont tenus d’accompagner les couples qui souhaitent se marier religieusement et de préparer la célébration de manière très individualisée.

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