Trois communautés pour un culte

Depuis quelques mois à la Paroisse de Bellevaux – Saint-Luc, le diacre Jules Neyrand célèbre des cultes en commun avec des réformés suisses, des réformés camerounais, et des érythréens pentecôtistes. Coup d’œil sur ces cultes mixtes dit « mosaïques ».

Un vrai « tous ensemble »

Depuis quelques mois, la Paroisse réformée de Bellevaux – Saint-Luc propose, trois dimanches par mois, des célébrations  « mosaïques ». Celles-ci réunissent les membres historiques de la paroisse, mais aussi la communauté réformée camerounaise locale et la communauté érythréenne pentecôtiste de Lausanne. Jules Neyrand, diacre nouvellement arrivé dans la paroisse, est le moteur et le principal célébrant de ces temps de spiritualité. Lui et les pasteurs des deux communautés africaines mettent les traditions de chacun sur un pied d’égalité dans un esprit de dialogue.

L’histoire d’un rapprochement

« Tout est parti d’une étude de terrain quand je suis arrivé en poste à la paroisse » explique le diacre. « J’ai vu qu’il y avait deux communautés d’origines africaines qui étaient des forces vives dans le quartier. Notre paroisse leur prêtait les locaux le week-end, mais on se croisait sans vraiment se parler. Chacun avait beaucoup de clichés sur les autres ». Jules Neyrand a donc démarché les deux communautés, qui se sont montrées très enthousiastes à l’idée de collaborer. En basant le rapport sur la confiance, l’ouverture et l’égalité, l’idée d’un culte « mosaïque » a émergé. « Il s’agit d’un projet collectif, porté par toutes les communautés, pas seulement par moi », assure le professionnel avec énergie. Célébrés depuis 6 mois, ces temps partagés de spiritualité ont servi de tremplin à un rapprochement plus large. « Aujourd’hui, le Conseil de paroisse compte un représentant de chacun des deux groupes », explique avec fierté Jules Neyrand, heureux d’avoir contribué à bâtir un dialogue entre les communautés.

Les valeurs du culte mosaïque

« Une des lectures qui a le plus stimulé ma réflexion paroissiale est le livre sur l’Église interculturelle d’Espoir Adadzi, le pasteur genevois originaire du Togo », raconte encore le bouillonnant diacre. Il ne s’agit pas simplement de cohabiter mais de créer une véritable mosaïque de pratiques. «Il y a de très beaux éléments liturgiques de ces communautés que j’ai voulu mettre en avant et qui, je pense, peuvent être une réelle source d’inspiration pour d’autres» . Et de citer des gestes  de bénédiction en binôme ou des chants liturgiques d’origine africaine.

«Mettre en place ces cultes et y participer, c’est une vraie initiation au pluralisme religieux, pour les Suisses comme pour les autres». Dans ces cultes, l’idée est de mettre en avant la diversité des paroissiens, les invitant à prier et à chanter dans différentes langues. « Tout le monde doit se sentir un peu déplacé par la rencontre et le dialogue », affirme le diacre. « Une autre chose très belle que j’ai prise de ces communautés, c’est l’intergénérationnalité », ajoute-t-il. « Aux cultes mosaïques, on essaie de mettre en avant les enfants, petits et grands, et de les faire participer au maximum. Nous nous souhaitons inclusifs à plus d’un titre».

Des défis et des espoirs

Si le pari du rapprochement semble réussi, il existe encore des défis à relever. L’ambitieux diacre rêve de mettre les trois communautés sur un pied d’égalité. « Le problème que je rencontre n’est souvent pas tant le racisme qu’une forme de condescendance. C’est la principale chose à combattre dans notre effort de dialogue. Aujourd’hui, je suis toujours l’officiant principal , mais on œuvre pour que les choses changent, et pour laisser une place égale à chacun. Ce qui soulève parfois des résistances : la barrière de la langue est parfois aussi un obstacle, surtout pour la communauté érythréenne.  Je milite pour que la paroisse se fasse appeler ‘paroisse mosaïque’ au lieu de simplement ‘paroisse réformée’, afin de pleinement embrasser notre nouvelle identité et ce nouveau dynamisme venant de la rencontre. Mais il y a encore du chemin à parcourir avant que tout le monde saisisse l’enjeu de cette démarche » confie le jeune ministre, déterminé mais pragmatique. S’il n’y a pas encore eu de projet analogue dans d’autres paroisses du Canton de Vaud, Jules Neyrand assure que de plus en plus de personnes se disent séduites par la proposition et envisagent de suivre l’exemple.

Ce vent de fraîcheur liturgique ne souffle pas que sur les membres des trois communautés : « La semaine dernière, nous avons eu notre premier nouveau venu au culte grâce aux réseaux sociaux : il a vu nos cultes sur notre compte Instagram et est venu célébrer avec nous. C’est une victoire pour notre équipe, qui travaille depuis plusieurs mois sur l’identité digitale de la paroisse et de nos cultes particuliers. On espère que ce nouveau participant sera le premier d’une longue série », conclut Jules Neyrand.

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Un espace pour élargir la paroisse

L’espace 4C de l’église de la Sallaz à Lausanne est un endroit pensé pour les projets de paroissiaux. En 2017, les bancs sont remplacés par de moelleux canapés à l’heure du culte. Aujourd’hui, labyrinthes méditatifs, expositions de photographies et soirées jeux s’y côtoient. Bilan de six années d’un espace de vie pas comme les autres.

La vision 4C associe les mots cultuel, chrétien, culturel et communautaire. « Nous avions besoin d’un outil de travail performant et innovant pour accueillir les paroissiens et leur famille lors  des cultes du dimanche, mais pas seulement ! » résume Emmanuel Schmied, diacre pour la région Sallaz-les Croisettes. Et de poursuivre : « L’église de la Sallaz était impersonnelle, sans âme. L’endroit était très peu utilisé en dehors des cultes. Nous voulions réinvestir le lieu différemment pour que la communauté s’y sentent bien et que des activités se développent en dehors des cultes dominicaux. » Un comité de pilotage – composé de ministres, laïques et une personne du conseil de paroisse –  4 mois de travail en 2017 et une réunion d’assemblée de paroisse plus tard, le projet « espace 4C » est lancé. 

Cultuel et communautaire

Emmanuel Schmied explique le sens du mot cultuel: « c’est important de se centrer sur les cultes. Ils rassemblent une communauté stable qui fait vivre l’Église. » Une part est donc réservée à l’aspect communautaire : « Nous voulions prendre soin des gens qui sont  là,  construire ce projet avec la communauté existante  ». Peu avant le premier culte 4C, le comité de pilotage demande aux paroissiens d’amener ce qu’ils n’utilisent plus pour meubler l’église, comme des canapés et des chaises. « La communauté a activement participé à l’aménagement de son église », se souvient le diacre.

Une attention particulière est réservée aux nouveaux venus.. Un groupe badgé « accueil » les guide dès leur arrivée en leur offrant à boire. Valérie Bronchi, membre du conseil de paroisse et du groupe de pilotage souligne : « On veille à créer une atmosphère conviviale pour ouvrir des espaces où la communauté peut se retrouver avant et après le culte avec des agapes. »  Des temps de prière personnels après le culte sont prévus pour les paroissiens.

Culturelle et chrétien

Outre les cultes avec canapés, l’église de la Sallaz désire accueillir  des expositions de peinture ou de photographie, des concerts, des pièces de théâtre ou des soirées de jeux de société.  « Nous voulons une offre culturelle qui permette de faire des liens avec la foi chrétienne » explique Emmanuel Schmied. Et d’ajouter : « Ce n’est pas un centre de loisir. Notre ancrage chrétien est affirmé. » Quand le comité de pilotage 4C reçoit une nouvelle proposition, il examine les liens avec la spiritualité chrétienne. Par exemple, l’idée a été  évoquée d’un cours de dégustation de vin en lien avec sa place dans le récit biblique. 

Un brassage générationnel

Qui dit offre culturelle diversifiée dit aussi croisement générationnel. Certaines activités attirent un public paroissial différent des cultes du dimanche. « Les habitués viennent aux événement comme les terrasses estivales, le labyrinthe à Pâques », déclare Valérie Bronchi, « pour les soirées jeux, des gens du quartier et externes à la communauté sont présents. » Et son collègue diacre de renchérir : « J’aime dire que cet espace 4C constitue un carrefour, un lieu de croisement entre les générations qui se découvrent grâce à leurs intérêts communs. »

Se réapproprier son église

Emmanuel Schmied explique : « En développant le projet 4C, nous voulions disposer entièrement du lieu de la Sallaz. » En conséquence, les contrats de location fixe de la salle de paroisse sont rompus. « Même si nous perdons un peu d’argent, la liberté gagnée est très appréciable. Elle nourrit le projet en nous offrant un espace pour développer et personnaliser le lieu. » Auparavant, la salle devait être neutre car différentes communautés religieuses l’utilisaient. « Maintenant ce lieu n’est plus anonyme. Cela change tout. On peut faire de cet espace un vrai outil de travail. »

Temps et confiance

Valérie Bronchi, conseillère de paroisse, explique : « J’apprécie la confiance de la communauté pour développer et expérimenter des projets.  » Gourmand en ressources humaines, l’espace 4C offre aux bénévoles de participer selon leurs intérêts et dans un cadre limité dans le temps. Ceux qui réalisent les projets changent selon leurs affinités avec les activités créées. « Comme bénévole on peut s’impliquer en bonne complémentarité avec les professionnels ecclésiaux », souligne la conseillère de paroisse. Et son collègue diacre de continuer : « Dans ce projet 4C, je réalise l’importance d’avoir une communauté existante qui fonctionne, une paroisse qui a des habitudes. » Avoir la confiance d’un groupe stable offre un point de départ solide pour innover. « Il faut prendre soin de cette confiance pour continuer à faire de nouvelles choses. » déclare Emmanuel Schmied. Et d’ajouter : « Les multiples projets 4C m’ont fait redécouvrir la notion du temps. C’est un facteur très important dans la réalisation de projets. Par moment j’avais envie de le presser. J’ai appris qu’en pressant le temps souvent on malmène quelque chose, que ce soit le projet ou quelqu’un. »

Au service de la stratégie paroissiale

L’espace 4C s’inscrit dans une stratégie paroissiale plus large : « C’est un modèle, un état d’esprit et une dynamique que l’on veut pour notre paroisse », affirme le professionnel. Les paroissiens ont adopté la vision ouverte du projet, Valérie Bronchi explique : « Cette perspective que nous avons développée dans le groupe de pilotage est devenue une vision pour la paroisse sur le modèle de « que voulons-nous pour notre Église et comment le voulons-nous ? » ». Complètement intégré, le projet 4C est devenu celui de la paroisse et de ses membres. « Il y a un renouveau dans la dynamique qui contribue à changer les habitudes des participants. Ils passent de consommateurs à consom’acteurs. » conclut la conseillère.

Pour en savoir plus sur l’espace 4C et ses activités, suivez le lien.

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