Espoir Adadzi, le pasteur togolais dont le livre « L’interculturalité en Église » a fortement impacté la réflexion ecclésiale romande en 2021, prépare aujourd’hui un second livre sur la question. Il nous a accordé une interview pour parler de ce sujet au cœur des changements de notre temps.
Espoir, votre livre est introuvable en librairie, est-ce bon ou mauvais signe ?
« C’est le tout dernier que je tiens ici, il est en rupture de stock, mais de nouveaux devraient arriver bientôt » indique Espoir Adadzi en sortant son livre de sa sacoche, alors que nous nous installons à la table. Arrivé en 2017 du Togo sur demande de l’Église protestante de Genève, Espoir Adadzi est très vite devenu une figure incontournable dans le paysage ecclésial genevois de par sa proactivité et son regard neuf. « L’interculturalité en Église », un condensé des réflexions qu’il a eues depuis son arrivée en Suisse, a su communiquer l’énergie de son auteur à plusieurs communautés de la région : « ça a créé des remises en question, nous dit Espoir, depuis la publication, je reçois des messages de paroisses, romandes comme suisses-allemandes, qui veulent faire cette expérience du vivre ensemble dont je parle. Il y a un réel engouement ». Depuis la publication, Espoir est devenu le ministre en charge de Témoigner Ensemble à Genève (TEAG), une plateforme regroupant plus de 70 Églises issues de la migration dans la ville, à la paroisse d’Onex.
L’interculturalité, c’est donc pour vous le grand sujet d’avenir en Église ?
« L’interculturalité va devenir un enjeu de plus en plus central. Et cela ne concerne pas que les relations Nord-Sud : en Afrique, cela doit également être mis en place, car là-bas aussi les mouvements de population créent des communautés mixtes qui doivent créer du vivre-ensemble. Ainsi, c’est un sujet que nous devons traiter tous ensemble, et où toutes les voies doivent être prises en compte – même celles qui nous déplaisent de prime abord. En cela, l’interculturalité a beaucoup de lien avec l’œcuménisme. Et nous ne faisons pas ça que pour nous : une dimension à prendre en compte est que l’interculturalité se construit également dans l’intergénérationalité. J’ai l’habitude de dire qu’en Église, l’interculturalité, ça se construit sur 25 ans. Ce n’est que lorsque l’on peut voir la nouvelle génération, celle qui a grandi dans ce climat de dialogue, et en regardant sa capacité à évoluer dans les mondes qui l’entourent, que nous pouvons vraiment juger de la qualité de nos actions. L’interculturalité, cela touche ainsi à toutes les transversales de l’Église ».
Au Nord comme au Sud, pour vous, les cultures doivent elle s’adapter à la Bible ou est-ce l’inverse ?
« Je ne pense pas que l’enjeu est de savoir qui de la Bible ou de la culture locale doit avoir le dessus. Ce qui compte, c’est la modalité que l’on choisit pour établir le dialogue. Pour moi, la bienveillance, combinée au respect et à la patience, est la clef. C’est à partir de ces bases que l’on doit procéder au cas par cas, sans tomber dans des logiques de dominations, ou la poursuite d’idées figées. Ce que j’ai découvert dans mon parcours, c’est qu’avant même de parler de la Bible, de son interprétation ou de toute autre chose, c’est qu’il faut poser un cadre : celui du bon sens. C’est si trivial que l’on tend à l’oublier, mais il faut pourtant en faire le principe de toute démarche. »
Dans la seconde partie de votre livre, vous présentez plusieurs pistes de nouvelles célébrations, pour les départs à la retraite, ou encore les sorties de prisons. D’où vous viennent ces idées et où en sont-elles ?
« Ces nouvelles propositions sont à la fois inspirées de ce qu’on peut voir dans certaines Églises du Sud, et des besoins que je constate sur le terrain. L’objectif, c’est d’épouser le quotidien des gens d’aujourd’hui dans leurs diversités, voir ce qu’ils vivent et ce dont ils ont besoin. Pour ma part, je cherche à mettre en place une Eglise qui accompagne la vie. Et cela passe par des innovations. Pour l’instant, la plupart de ces célébrations sont effectuées pour des petits groupes, sur demande, mais c’est la première pierre pour aller plus loin, et les retours sont d’ailleurs très positifs. Les Églises ont tout intérêt à diversifier leurs offres. »
Vous êtes en train d’écrire un deuxième livre, sur quoi va-t-il porter ?
« Il traitera également de l’interculturalité, j’ai envie qu’il soit une suite plus étoffée de celui qui est déjà paru, et qui était principalement basé sur mon expérience. Je veux notamment y parler plus longuement des défis d’avenir, et d’autres dimensions que je n’avais pas traitées. Je compte aussi développer encore de nouvelles pistes de célébrations. Il faut expérimenter et expérimenter encore – dans le dialogue ».