Un pont théologique entre les cultures

Depuis 2021, l’Institut œcuménique de Bossey accueille un cours de théologie interculturelle unique en Suisse et ouvert à tous. Rencontre avec Nicolas Monnier, un des instigateurs de la formation.

L’interculturalité, un nouveau sujet pour de nouveaux enjeux

Nicolas Monnier est directeur de DM, successeur du Département Missionnaires des Eglises de Suisse Romande. Avec son équipe, il est un des moteurs romands de la réflexion sur l’interculturalité en Église et l’un des instigateurs du cours de théologie interculturelle donné à l’Institut œcuménique de Bossey, issu d’une réflexion entamée en 2017 : « À DM, la conscience de l’importance de l’interculturalité nous est venue il y a plusieurs années, explique-t-il, lorsque nous nous sommes rendus compte de l’existence de centaines d’Églises issues de la migration sur le territoire suisse, dont certaines étaient même des antennes de communautés que nous aidions dans leurs pays d’origine ». Dès lors pour Nicolas Monnier et ses collègues, une réflexion s’est entamée sur la manière dont DM pourrait aller plus loin que l’action sur le terrain, et œuvrer également en Suisse auprès de ces nouvelles Églises. « Une des valeurs clefs de DM, c’est la réciprocité – il n’y a pas un qui donne et un qui reçoit, mais un échange continuel : on part du postulat que l’autre peut aussi nous donner quelque chose, même si l’on ne peut pas toujours définir initialement ce que ce sera. Dans cet esprit, nous nous sommes dit que nous devions également convier des gens venant des Églises du Sud à nos réflexions en Suisse. Depuis 2017, nous avons multiplié les collaborations de ce type. »

Un besoin d’apprendre

« L’idée d’une formation en interculturalité dans la région est devenue une évidence lorsque nous nous sommes rendus compte qu’en francophonie, il n’existait tout simplement rien de semblable. Nous avons rapidement pu trouver une série de partenaires : l’Institut œcuménique de Bossey bien sûr, mais aussi OPF, TEAG, IPT, Cevaa et Defap, tous ayant fait le même constat que nous. Ensemble, nous avons pu mettre en place ce cours, qui est donné depuis maintenant 3 ans. Cela peut être parfois un challenge de motiver les gens à participer. Beaucoup n’ont souvent jamais entendu parler d’interculturalité auparavant. Pourtant, qu’on soit un membre d’une Église de la migration qui vient d’arriver en Suisse, ou quelqu’un originaire d’ici qui voit le paysage ecclésial changer, l’interculturalité est capitale. Une éducation à la rencontre, à l’échange et au dialogue devient de plus en plus incontournable aujourd’hui en Église. »

Un cours polyphonique

A chacun des 8 modules, ce sont deux intervenants différents qui s’expriment tour à tour, l’un du Nord, l’autre du Sud, devant une quinzaine d’étudiants, de tous âges et de toutes origines. « On essaie de trouver un équilibre » nous dit Espoir Adadzi, pasteur d’origine togolaise et intervenant du cours « nous voulons que des gens de toutes origines et de tout niveau de formation puissent participer et y trouver leur compte ». Pour cela, le partage d’expériences est mis au centre de la formation – ainsi chacun peut apporter au dialogue des informations de son propre bagage culturel. S’en dégage un climat d’authenticité unique, loin de l’ambiance des cours magistraux classiques. En alternant louanges, exposés et ateliers de discussion, la stimulation intellectuelle et le partage sont au rendez-vous.

Une formation diplômante à l’avenir

Aujourd’hui, Nicolas Monnier et ses collègues cherchent à faire évoluer le cours vers un CAS (Certificate of Advanced Studies), permettant une meilleure reconnaissance de la formation. Pour lui, c’est l’Église Vaudoise du Piémont et son master en Théologie Interculturelle qui montrent la voie à la francophonie : « Les facultés de théologie suisses et françaises ne se sont pas encore réellement saisies de la question de l’interculturalité – qui est pourtant tellement actuelle à l’heure du christianisme mondial. En mettant en place une formation certifiante, équivalente à une formation universitaire, nous voulons montrer qu’il s’agit bien là d’un champ de compétence à part entière. Pour nous, ce serait un pas de plus dans la bonne direction ». Les inscriptions pour l’année 2024-2025 sont ouvertes.

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