L’histoire des « fresh expressions »

L’idée de stimuler la croissance des communautés, en cherchant à adapter les formes à l’évolution sociale, arrive en Angleterre au milieu des années 1970. Celle-ci a pris racine aux États-Unis dès les années 1950 avec une littérature et une théologie missionnaires. Depuis la fin des années 1970, l’Angleterre est le théâtre d’un développement de groupes de croyants qui se rassemblent en marge des paroisses classiques. Sous l’impulsion d’initiatives personnelles de laïcs, parfois soutenus par leurs ministres, et encouragés par des campagnes d’évangélisation, des groupuscules commencent à poindre sur les écrans radars des sociologues au tout début des années 1980. Divers organes s’y emploient et la publication, en 1984, de « How to Plant Churches » par la British Church Growth Association, peut être vu comme le premier jalon d’une abondante littérature.

Dès 1987 et durant 20 ans, l’Église Holy Trinity Brompton organise une conférence annuelle sur l’implantation d’Églises. Avec le développement des « cours Alpha », elle se place rapidement en pôle position du développement de nouveaux groupes. Les actes de ces conférences sortent de presse en 1991 sous le label « Planting New Churches ». Alors que les médias commencent à s’intéresser à ce phénomène, la hiérarchie anglicane leur emboîte le pas et constitue un groupe de travail. L’enjeu double concerne aussi bien la gestion de quelques groupes « sauvages » que les inquiétudes grandissantes des paroisses traditionnelles.
En 1994 paraît un rapport qui marque un premier tournant dans l’histoire de ces formes d’Églises émergentes. « Breaking New Ground : Church Planting in the Church of England » identifie le phénomène, lui donne un cadre licite au sein de l’institution et formule quelques recommandations pour son développement. Tout en reconnaissant l’importance des paroisses territoriales, il parle de la nécessité de toucher le voisinage des populations non touchées par les structures en place. L’expansion se nourrit de cette reconnaissance et se poursuit dans un nouvel élan.

Un important travail de documentation et de visibilité de ces groupes se met en place dès 1999 avec les publications de George Lings et Claire Dalpra. Le magazine « Encounters on the Edge » s’intéresse à plus de 50 « fresh expressions » jusqu’en 2012. Il est aujourd’hui remplacé par la diffusion d’une série de clips vidéo.

Soucieuse de suivre la progression de ces groupes, l’Église anglicane d’Angleterre mandate un nouveau rapport évaluant l’état de la situation. En 2004, « Mission-Shaped Church : church planting and fresh expressions of church in a changing context » fait l’effet d’une bombe. Il popularise la notion de « fresh expressions », déjà présente dans le livre de 1993 de Gerald Arbuckle : Refounding the church. Ce document inscrit le développement de ces groupes dans ce qu’on peut qualifier de stratégie d’Église. Il pose des éléments d’une théologie missionnaire et d’un cadre de développement. Il utilise également la notion de « mixed economy » pour désigner la nécessité de pacifier la coexistence entre les nouvelles formes et les paroisses établies.

Dès lors, le nombre de ces groupes  connait une explosion, son intérêt international va grandissant et l’une des branches développe son propre label sous la désignation de « Messy churches« . Aujourd’hui, plusieurs milliers de groupes sont présents en Angleterre, Irlande et en Ecosse sous l’oeil attentif de nombreux sociologues. L’Université de Durham, au nord-est de la Grande-Bretagne, possède même un centre de recherche en matière de croissance d’Église. Deux autres documents d’importance sont à signaler. En 2014, un groupe de recherche soutenu par l’Église anglicane publie les résultats d’une vaste enquête effectuée dans dix diocèses de l’Église anglaise. « From anecdote to evidence » cherche à identifier statistiquement quels sont les paramètres de la croissance de l’une de ces micro-églises. Il se penche sur huit critères de développement qui sont exploités, dès 2015, dans du matériel destiné à stimuler les initiants de ces groupes.
« From evidence to action » prend les contours d’un site internet qui propose des formations, de la documentation et un réseau d’acteurs.

Le réseau des « fresh expressions » est présent en Suisse et le Labo Khi est impliqué dans son élaboration. Les informations sont présentes sur le site freshexpressions.ch

Fresh Expressions : intérêts de l’EPG, de l’EREN et table ronde Suisse

Dans un dossier extrait de la VP Genève, la pasteure Vanessa Trub dit son enthousiasme pour les « Fresh Expressions » et répond à quelques objections classiques.

Quant au pasteur David Allison, il n’est pas moins motivé et le dit sur les pages du site de l’EREN.

Quant au réseau Suisse, il s’engage dans l’organisation d’une quatrième table-ronde nationale sur le sujet. Toutes les infos (en allemand) sont par là.

Les « fresh expressions » de Romandie se rassemblent

Table-ronde autour des Fresh Expressions en Suisse Romande.

Le 29 mai à Yverdon, 9h – 16h

Adresse : Fondation Morija, Rue des Philosophes 2.
Prix : Fr 30.- repas inclu.

Réservez cette journée dans votre agenda, car elle vous fera un bien fou en stimulant vos rêves, vos idées, votre créativité!
Elle vous permettra de rencontrer d’autres personnes engagées dans la foi qui comme vous cherchent à rejoindre le projet de Dieu dans notre coin de pays.

Notre équipe Plateforme vous prépare un joli cocktail d’invités avec la présentation de ce qu’ils ont créé ou sont en train de créer dans leur lieu spécifique. Nous aurons aussi des temps d’échange autour de différents thèmes comme la solidarité, le new monasticism, être Eglise à la campagne, les communautés de jeunes, être Eglise en famille.

Merci à vous de transmettre cette invitation à vos collègues, présidents de conseils etc..

Avec mes cordiales salutations
Aude Roy Michel

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Une Eglise qui croît

Une soirée autour de la croissance en Eglise, le vendredi 21 novembre à Crêt-Bérard, organisée par Crêt-Bérard, l’ORH et le Projet Khi.

Avec le pasteur Andy Buckler, cette rencontre se veut aussi bien relationnelle que formative.

Andy Buckler travaille actuellement pour l’Eglise Protestante Unie de France. Son poste allie formation d’adultes et évangélisation. Son expérience pastorale en région parisienne, sa vision stratégique de la question de l’évangélisation dans le contexte français et son origine britannique, qui lui permet de très bien connaître le mouvement des Fresh Expressions, le qualifient pour nous ouvrir une perspective large autour de la question de la croissance de l’Eglise.

La soirée sera également agrémentée d’un temps d’échange autour d’une collation, permettant aux participants de poursuivre les réflexions de notre invité.

Cette soirée fait partie des journées Vitamine-É qui se sont tenues à Crêt-Bérard les 21, 22 et 23 novembre 2014.

Indications pratiques et ressources :

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Les « fresh expressions » s’organisent en Suisse romande

A la grande surprise des organisateurs, les romands ont été plus nombreux que les alémaniques lors de la deuxième Table Ronde consacrée aux « Fresh expressions » [fx] en Suisse. Plus de 50 personnes se sont rassemblées dans les locaux de l’Eglise Méthodiste de Berne pour une journée de partage d’expérience et de structuration du mouvement à l’échelon Suisse.

Le pasteur réformé Thomas Schaufelberger, l’un des membres du noyau actif, évoque le courage d’envisager des engagements pionniers sans garantie de résultat. Il parle également de la passion comme d’un ingrédient de base. Il poursuit par un tour d’horizon de la situation actuelle des fx en Suisse. Quatre groupes de travail sont à l’œuvre autour de la « journée d’impulsion » prévue le 1er Novembre à Zürich. L’invité sera le théologien américain Brian McLaren. Un second groupe documente les fx déjà répertoriées en Suisse, un troisième se charge du site web, un quatrième prépare les Tables rondes destinées à jalonner l’essor du mouvement. La prochaine se tiendra le 5 mars au Kirchgemeindehaus de Neumünster (Zürich).

Thawm Mang prend la parole pour nous présenter la « Sonntagszimmer » de Bâle dont il est le coordinateur. Cette fx de l’Eglise réformée est issue d’un projet socioculturel lié au quartier défavorisé entourant la « Matthäuskirche ». Un travail autour de la multiculturalité, de l’accueil à seuil bas, de l’implication de bénévoles a permis l’essor d’une journée du dimanche riche en offres. Entre 150 et 200 repas sont servis hebdomadairement et de nombreuses familles se sont rapprochées de l’Eglise.

Chris Forster des Eglises Chrichona présente le projet « Venue » à Diessenhofen (Th). Encore très embryonnaire, celui-ci consiste à conduire les personnes à vivre un premier service religieux. Une phase de lancement de deux ans s’oriente essentiellement vers le contact personnel au travers de la vie associative, de l’intérêt pour la culture, un travail avec des guides touristiques et une étude sinus milieus sont envisagés. Pour exprimer la nécessité de maintenir un lien avec son « église mère », il utilise l’image de l’explorateur ou du migrant qui, bien qu’éloigné de chez lui, maintient un lien avec son pays d’origine. En évoquant les changements culturels liés au développement de cette fx, son credo est très clair : « Il faut une génération pour change la culture. Il ne faut pas lutter contre la culture existante, mais s’engager pour développer une offre pour d’autres cultures ».

Outre ces contributions, les participants ont été invités à travailler à un document intitulé « mission statement ». Il servira de référence pour le développement du mouvement en Suisse.

A l’issue de la rencontre, les Romands ont fait un cercle autour des deux pasteures qui ont porté l’initiative de la participation des « Welsches ». Aude Roy-Michel (EERV) et Vanessa Trub (EPG) ont fait circuler la parole pour mieux cerner les attentes des participants francophones. Une table ronde francophone pourrait voir le jour et un voyage en Angleterre a été évoqué. Un noyau s’est constitué dans le but de faire progresser les fx en Romandie.

Une instigatrice des fresh expressions en Suisse

Sabrina Müller est probablement l’une des meilleures spécialistes des « fresh expressions » [fx] en Suisse. Et pour cause : cette pasteure vient de rédiger une thèse à l’université de Zürich sur la question. Loin des seules perspectives académiques, la jeune femme s’implique dans sa paroisse pour faire émerger ces nouvelles formes de communauté. De plus, elle donne 20% à 30% de forces bénévoles pour faire progresser le mouvement en Suisse. Interview.

Que peut-on dire sur l’état des fx en Suisse aujourd’hui ?

Il y a un intérêt grandissant d’Eglises de dénominations différentes et de nombreuses personnes qui s’intéressent à titre individuel ou commencent quelque chose. Avec notre Table Ronde, nous essayons de mettre ces personnes en réseau. Nous avons déjà quelques fx en Suisse, mais la documentation à ce sujet est encore très pauvre. J’ai moi-même commencé ce travail depuis cet été. Un exemple s’intitule la Sonntagzimmer (chambre du dimanche, à Bâle). Pour le moment, je dirais qu’il en existe une douzaine en cours de documentation, mais il en existe certainement davantage.

Comment réagissent les grandes Eglises à cette idée ?

De manière très contrastée. Quelques directions d’Eglises ont manifesté de la bonne volonté, mais aussi des remarques du genre : tant que cela ne coûte rien, vous pouvez vous lancer. J’ai l’impression que les plus grandes réticences viennent des pasteurs qui ont l’impression que leur travail n’est pas assez bon ou qui ont peur que l’on marche sur leurs plates-bandes. Mais il ne s’agit pas de cela. Les fx proposent des compléments à l’offre existante.

Y a-t-il de l’intérêt de la part de l’Eglise catholique ?

Oui, l’une de ces fx répertoriées est catholique. Dans le noyau qui cherche à coordonner le mouvement en Suisse, il y a Rudolf Vögele délégué pour l’Eglise catholique.

Comment le mouvement est-il organisé en Suisse ?

De manière très légère. C’était simplement des personnes qui avaient de l’intérêt. Dans mes rencontres j’ai proposé à différentes personnes de voyager en Angleterre et l’intérêt a grandi. Nous avons organisé une première rencontre suite à laquelle s’est constitué un groupe de pilotage interconfessionnel. Des Evangéliques, des Méthodistes, des Réformés des Catholiques, le mouvement Chrichona.

En Suisse on est parfois un peu méfiant vis-à-vis de l’étranger et ce type de mouvement pourrait être considéré comme un produit d’importation. Cela pose-t-il des difficultés ?

C’est parfois problématique. Des gens disent : oui, c’est très bien ce que vous faites, mais en Suisse c’est tout différent. Mais je le constate bien moins que pour d’autres mouvements qui viennent d’Australie ou des Etats-Unis. On peut dire qu’il s’agit ici d’une Eglise d’Etat. Et que l’Eglise anglicane d’Angleterre soit capable de se réformer est encore plus exceptionnel que d’imaginer la chose de la part de nos Eglises. Et pourtant ceci s’est produit au sein même de la structure institutionnelle. De plus les fx sont en phase avec la tradition comme avec l’innovation. Elles ne jettent pas le bébé avec l’eau du bain.

Quels sont les prochains pas et les objectifs en Suisse ?

La Table ronde nous permet à la fois de créer du réseau et de valider le travail du noyau de pilotage. A la dernière Table ronde, le noyau a été légitimé. Nous n’avons pas de structure associative et aucun financement. On nous a dit : faites quelque chose et invitez-nous. Nous voulons faire connaître la chose auprès des directions d’Eglises et trouver des pionniers actifs sur le terrain. Je rêve de former des bénévoles capables de porter la chose et d’en faire la promotion.

Quels sont, à vos yeux, les principaux obstacles à l’arrivée des fx en Suisse ?

J’en vois plusieurs. L’idée que le ou la pasteur est responsable de tout. Là où est le pasteur se trouve l’Eglise. C’est un obstacle et c’était aussi le cas en Angleterre. Notre ecclésiologie très attachée au bâtiment Eglise et au culte dominical. L’autre question est celle de la tolérance. Pouvons-nous laisser d’autres formes et d’autres théologies cohabiter ? Les fx n’ont pas une seule théologie, mais des styles très variés et on parle d’économie mixte pour exprimer une collaboration entre ces formes. Cela implique une générosité et même une promotion de l’autre qui perçoit les choses différemment.

Et puis, les finances, bien sûr… il faudra des finances ! Dans le noyau, certains peuvent prendre un peu de temps professionnel, pour ma part, je travaille entre 20 et 30% de manière bénévole.

Quelles sont les grandes forces, comme vous les percevez ?

Je trouve que les fx sont très orientées vers les personnes, vers leur contexte, qu’elles croient et développent l’Eglise avec les gens. Elles ne partent pas de modèles ou d’images d’Epinal, mais de cette question : comment pouvons-nous trouver et vivre Dieu avec les gens ? Il ne s’agit pas de dispenser un enseignement, mais d’apprendre ensemble ce que peut être l’Eglise. Je suis moi-même en train de construire une fx. J’ai écrit une thèse et suis pasteure depuis cinq ans et je constate que je dois toujours et encore réviser mes clichés, malgré que je sois autant impliquée dans ce développement.

Pour moi c’est une grande chance pour l’Eglise d’être plus près des gens, de redécouvrir son caractère communautaire et sa dimension missionnaire. Les Eglises ont une responsabilité.

Vous pouvez m’en dire davantage sur la fx que vous construisez ?

Il y a différentes choses. Je suis dans une paroisse traditionnelle. Nous avons un projet de législation qui projette la création de trois à cinq fx d’ici quatre ans. Actuellement, je construis une fx de tradition contemplative. C’est pour des personnes qui aiment l’extérieur et ne sentent peut-être pas bien dans une Eglise, des personnes qui ont une sensibilité ésotérique et sont intéressées au spirituel. J’ai remarqué qu’en allant promener mes chiens, j’ai de nombreux contacts avec les gens. La plupart ont quitté la paroisse, mais les recherches et les questions sont présentes. Ce que nous construisons avec quatre femmes, c’est pour ces personnes : comment combiner la nature, les animaux et Dieu ? Contempler, manger ensemble et être une église de l’extérieur.

Pour montrer à ma paroisse que l’Eglise doit sortir de ses murs, nous avons pris en banc d’Eglise. Nous avons fêté le déménagement de ce banc et nous l’avons installé à l’extérieur. Et nous avons parcouru le village avec ce banc. Nous sommes allés à la kermesse du village avec le banc. Et puis, le premier août, les organisateurs nous ont écrit : « cher banc d’Eglise serais-tu d’accord de venir à notre fête ? » Et nous avons voulu dire : l’Eglise est présente là où sont les gens ! Et chaque fois il s’est passé des choses ! Nous avons plaisanté au sujet de l’Eglise ou simplement joué avec des enfants autour du banc. A la kermesse nous avons offert du thé sur le banc et fait des causeries. Nous avons constaté que beaucoup de personnes ont peur des locaux Eglise, c’est pourquoi nous avons chaque année un marché de Noël dans et autour de l’Eglise. Chez nous à Bäretswil (Zh) cela n’existait pas avant. Il n’y a pas non plus de place de jeux dans notre village. Nous avons donc installé une petite place de jeu à côté de l’Eglise qui est entretenue par des bénévoles et nous devons maintenant en faire une place plus conséquente de manière à combiner la chose avec des activités créatives pour les familles. C’est quelques éléments de base, nous avons encore bien d’autres idées. Le plus fort a sans doute été lorsque durant une année nous avons fait une action intitulée : l’Eglise de Bäretswil écoute. Nous avons envoyé les paroissiens dans le village pour récolter des indications sur les besoins et les joies. Et nous en sommes à la phase « l’Eglise de Bäretswil sort de ses murs » et nous avons développé un logo pour ces activités.

Quelles ont été les résistances à ces nouveautés ?

C’est très contrasté. Le conseil d’Eglise est très créatif et motivé. Ils me font confiance et je leur fais confiance. Nous formons un groupe soudé. Je ne pars pas sans eux. Je m’interroge sur le sens et ils me soutiennent et participent à ces actions. Il y a des résistances de fidèles qui ont l’impression qu’on leur enlève quelque chose. Ils ont peur du changement. Je leur dit que nous n’allons pas supprimer la tradition. C’est une bonne chose, et je le pense sincèrement ! Mais la vie est aussi dans le changement. Et certains domaines doivent changer. Et la balance entre ces deux discours n’est pas facile à trouver.

Propos recueillis par Jean-Christophe Emery.

Interview de George Lings, spécialiste des « fresh expressions »

Quelle est votre trajectoire personnelle ?
Ma vie professionnelle a commencé à la Banque d’Angleterre. Il y a quatorze ans, j’ai changé pour l’Eglise d’Angleterre. Depuis un quart de siècle, j’ai travaillé dans des Eglises paroissiales parfois comme assistant et finalement comme vicaire ou pasteur. Depuis les années 1980, j’ai développé un intérêt pour ce que l’on appelait à l’époque l’implantation d’Eglises, qui a été nommé « Fresh expressions of Church » (FXoC) par la suite. Et je m’y suis intéressé presque comme un hobby. Au milieu des années 1990, la « Church Army » a lancé une unité de recherche. Comme ils cherchaient un responsable, j’ai décroché cet emploi. Depuis 1997, nous étudions cette discipline par le biais d’exemples localisés mais aussi en essayant de comprendre les réalités plus larges.

En quoi consiste ce groupe « Church Army » ?
La « Church Army » a été fondée à la fin du XIXe siècle par Wilson Carlile. Cet homme a pris conscience que l’Eglise d’Angleterre était en contact bien plus étroit avec les classes aisées qu’avec les nécessiteux et les pauvres. Il était situé à Londres et a commencé à travailler avec des personnes pauvres, des sans-emplois. Ses préoccupations étaient doubles : d’une part de partager le message de Jésus-Christ, mais aussi d’aider ces personnes à améliorer leurs vies sur le plan social et économique. La Church Army travaille depuis 130 ans avec des groupes très éloignés de l’Eglise. Aujourd’hui ce ne sont pas que des pauvres, mais aussi des personnes bien intégrées. De nombreuses personnes n’ont aucune expérience de l’Eglise vivante et ne connaissent rien de l’essence du message de Jésus.

Quelles sont les relations entre la « Church Army » et l’Eglise anglicane d’Angleterre ?
Nous pensons que nous faisons partie de l’Eglise d’Angleterre, mais une partie du génie de cette église est qu’elle ne cherche pas à contrôler tout ce qui lui appartient. Donc, même comme membres de cette Eglise, nous dirigeons notre affaire de manière autonome. Nous formons nos collaborateurs dont la plupart travaillent avec et pour l’Eglise d’Angleterre. D’une certaine manière nous sommes comme un ordre religieux missionnaire ou monastique qui a sa propre vie, mais appartient à un corps plus large.

En quoi consiste votre travail et pour qui travaillez-vous ?
Je suis donc employé de la Church Army, mais les bénéficiaires de mon travail sont l’Eglise d’Angleterre et d’autres dénominations. Si je regarde les quinze dernières années, nous avons principalement fait deux choses : nous avons collecté un grand nombre d’histoires de ces initiatives particulières. Elles stimulent l’imagination des gens et montrent les possibilités réelles de ce que l’on peut faire. Plus récemment, depuis 2011 c’est devenu l’essentiel de notre travail, nous avons pris conscience que nous avons besoin de statistiques plus complètes sur ce phénomène appelé « Fresh expressions of church » (FXoC). Les personnes avec un esprit ouvert étaient disposées à tester de nouvelles formes d’Eglises, mais personne ne savait si elles fonctionnaient et si elles duraient. Et nous nous sommes intéressés à ces deux questions.

Peut-on situer quelques éléments de l’histoire de ces FXoC ?
Je dirais que leur histoire remonte au moins aux années 1970. L’Eglise d’Angleterre a décidé de fonder de nouvelles Eglises dans les régions où les habitants étaient trop éloignés des communautés existantes. Durant les années 1980, 1990, les gens ont pris conscience qu’il est aussi important de créer de nouvelles Eglises pour des personnes éloignées sur le plan culturel et non pas seulement géographique. Des groupes ont donc démarré et l’Eglise d’Angleterre a dit : « nous devons étudier la chose ». Le document le plus fameux a été publié en 2004. C’est un rapport national intitulé : « L’Eglise orientée par la mission ». J’ai d’ailleurs contribué à rédiger ce document. Ce document a montré à l’Eglise ce qu’elle était en train de faire et a poussé l’Eglise à poursuivre plus intensément dans cette direction. Notre dernière recherche a montré qu’en matière de démarrage de nouvelles communautés, nous avons aujourd’hui quatre fois plus d’activité qu’il y a dix ans.

Y a-t-il eu une influence de la part du mouvement de croissance d’Eglise né dans les années 50 aux Etats-Unis ?
Historiquement, il y a une faible influence. Le mouvement de croissance d’Eglises américain est arrivé dans le grand public en 1975 en Angleterre. Il a aidé l’Eglise à considérer la croissance comme un phénomène normal auquel on peut réfléchir de manière intelligente. Cette influence n’a pas été très forte et aujourd’hui l’intérêt part plutôt d’Angleterre en direction des Etats-Unis. Cette semaine je rencontre des responsables de l’Eglise presbytérienne américaine qui s’intéressent à ce que nous découvrons dans les FXoC. Je crois que les FxoC vont au-delà de ce que le mouvement de croissance américain envisageait.

L’émergence des FxoC a-t-elle généré des tensions avec les paroisses traditionnelles ?
Je dirais que longtemps le niveau de conscience de la formation de ces nouveaux groupes a été très faible. Il y a eu des désaccords à propos de l’utilité de ces groupes, mais l’ancien évêque, Dr Rowan Wiliams, et l’actuel, Justin Welby, ont permis de maintenir ces tensions à un niveau acceptable. Nous utilisons l’expression d’« économie mixte », qui nous permet de valoriser l’ancien et le nouveau. Nous n’essayons pas d’uniformiser et nous aimerions que chacun puisse respecter et valoriser l’autre. Notre recherche a montré que l’arrivée des FXoC n’a, en règle générale, pas conduit à des tensions. Il ne serait pas correct de dresser un tableau angélique non plus. Au cours des dix dernières années, un certain nombre de livres critiques à l’égard du mouvement des FXoC a été publié. Dans une Eglise ouverte, nous n’avons pas peur du débat. Les points de vue des uns et des autres nous permettent de progresser.

Qui peut revendiquer le label « FXoC » et prendre le logo ? La chose doit-elle passer par une autorité de l’Eglise qui valide le groupe ?
L’Eglise d’Angleterre n’essaie pas de contrôler trop strictement tout ce qui émane d’elle. Nous apprenons à accueillir la créativité et le cadre est à comprendre dans un sens plutôt relationnel que légal ou managérial.

Y a-t-il des limites ?
L’évolution du mouvement nous montre que nous devons changer nos conceptions à propos des limites. Comme exemple, nous aurions, dans le passé posé des limites comme « il faut se réunir le dimanche », « le groupe doit être conduit par un ecclésiastique – à l’époque, seul un homme pouvait le faire » , « il faut reconstruire une structure paroissiale au niveau des responsabilités » , « il faut offrir ce type de services », etc. Nous prenons conscience qu’il se passe quelque chose de plus profond. Une FXoC a besoin d’un jour pour se rencontrer, d’une forme de célébration, d’une forme de gestion de la direction, mais cela n’a pas toujours besoin d’être identique à ce qui s’est toujours fait. Ainsi parlons-nous souvent de l’ADN de l’Eglise. Dans le sens qu’au plus prof de la réalité de l’Eglise, il y a des instincts, des principes importants, mais il en va comme pour l’ADN humain, deux personnes ne sont jamais identiques et certaines ne se ressemblent pas beaucoup. Nous apprenons que c’est aussi vrai au sein de l’Eglise.

Avez-vous constaté des excès de certains groupes qui allaient trop loin ?
Les exemples de ceci sont très rares. En fait votre question pourrait être retournée dans l’autre sens. Certaines FXoC pourraient d’elles-mêmes se désolidariser de l’Eglise d’Angleterre. Notre recherche des deux dernières années s’est étendue sur 500 exemples de FXoC. Seules deux d’entre elles ont quitté l’Eglise d’Angleterre. Aucune n’a été fermée d’autorité par l’Eglise d’Angleterre. Il ne faut pas surévaluer les risques de dérive. L’immense majorité est en très bons termes avec les paroisses desquelles elles sont issues et elles sont valorisées au sein de leurs diocèses.

Ces FXoC sont-elles perçues, par le grand public, comme étant rattachées à l’Eglise d’Angleterre ?
La plupart de la population anglaise sécularisée n’a pas même conscience de ce phénomène. Mais ces personnes ne savent pas grand-chose non plus au sujet de l’Eglise d’Angleterre elle-même. Ce qui est intéressant, à mon sens, c’est que les personnes qui ont commencé à fréquenter ces FXoC sans expérience religieuse préalable nous disent « oh ! C’est donc ça l’Eglise ! ». Lorsqu’il s’agit de parler de l’Evangile et de prêter attention aux plus faibles, ces personnes se rendent bien compte que c’est l’Eglise. Et les responsables leur permettent de prendre progressivement conscience que cette offre s’inscrit dans une réalité plus vaste appelée « l’Eglise d’Angleterre ».

Ces FXoC sont-elles destinées à regarnir les bancs des paroisses traditionnelles ?
Non. Ce n’est pas le cas. Dans la définition des FXoC l’objectif est d’être orienté sur des personnes qui ne fréquentent pas de paroisse. Ainsi ces nouveaux groupes deviennent leur Eglise. Le but n’est pas de ramener ces personnes aux paroisses classiques. Nous nous percevons comme une famille d’Eglises dans laquelle l’ancienne génération et la nouvelle génération vivent ensemble.

Certaines paroisses traditionnelles bénéficient-elles de l’émergence de nouvelles FXoC ?
Les bénéfices vont dans les deux sens. Au début, les paroisses traditionnelles peuvent fournir des ressources financières et humaines. Au moment où ces nouvelles formes progressent en nombre et en vigueur, elles peuvent enseigner certaines leçons aux paroisses.

L’Eglise d’Angleterre est traversée de plusieurs courants théologiques. Peut-on qualifier les FXoC comme étant plus fortement typées comme « évangéliques » ?
On parle de quatre courants au sein de l’Eglise d’Angleterre, les anglo-catholiques, les libéraux, les évangéliques et les charismatiques. Fréquemment, les membres se définissent comme appartenant à plusieurs courants. Notre recherche a montré que pour cette raison, il est assez difficile de répondre à votre question. Je dirais néanmoins que la tradition évangélique est associée plus étroitement aux FXoC, les charismatiques et les libéraux dans une moindre mesure. Dans certains diocèses, le courant central (libéraux) est même le mieux représenté. L’image est très diversifiée, il existe également des exemples au sein du courant anglo-catholique. Ce qui me semble déterminant, c’est que tous les courants théologiques peuvent envisager ces nouvelles formes s’ils le souhaitent.

Ces FXoC sont-elles essentiellement un phénomène urbain ?
Répondre à cette question était précisément l’un des buts de notre recherche. Nous avons donné aux sondés 11 catégories différentes pour définir l’environnement de leur Eglise. Du cœur des villes, aux banlieues riches ou pauvres, des villages-dortoirs ou des régions reculées. Des FXoC sont présentes dans tous les contextes. Les villes sont le mieux représentées avec 17% des réponses. Le spectre est très large, ce qui nous réjouit parce que notre réflexe anglican nous pousse à être en lien avec des personnes à travers tout le pays.

Ces FXoC sont-elles un phénomène de marque et de mode ?
Il est vrai que certaines FXoC ressemblent plutôt à des marques. Par exemple, ce que l’on appelle les « messy churches » (les églises en désordre). Une Eglise en désordre fonctionne sur un dispositif de valeurs qui l’identifie facilement. Un autre exemple serait celui des églises-café qui utilisent certains codes du monde du marketing. L’approche des marques concerne peut-être 2/5 des FXoC, je pense que cette accusation est partiellement correcte, mais on peut retourner la chose : l’Eglise d’Angleterre n’a-t-elle pas offert durant longtemps de la musique classique à des femmes de classe moyenne de manière très analogue ? Je pense que nous devons dépasser cette question pour apprendre à reconnaître qu’il y a une grande santé à reconnaître la variété des formes de communautés.

J’aimerais en savoir un peu plus sur les « messy churches »
Ce mouvement est né en 2004 à Portsmouth, sur la côte sud de l’Angleterre, avec Lucy Moore. Quelques valeurs sont présentes dans ces communautés. L’une d’entre elles est que l’Eglise doit s’adresser aux personnes de tout âge. Elle est donc orientée sur les familles, non seulement les enfants. La créativité est particulièrement soulignée, en particulier dans les formes de célébration. L’hospitalité est une autre valeur centrale, et la rencontre d’une « messy church » inclut en général un repas. D’autres éléments comme l’importance du culte et la centralité de Jésus Christ sont plus communs. Avec la présence de ces cinq éléments, on considère un groupe comme une « messy church », mais la forme des rencontres n’est pas normative.

Certaines critiques sur ces FXoC estiment que ces nouvelles formes porteraient ombrage aux formes plus anciennes.
Oui, il est vrai que le mot « fresh » peut faire penser que les autres formes sont à considérer comme l’opposé, c’est à dire « stagnantes » [stale]. A mon avis ce n’est pas le cas. D’ailleurs l’une des vingt formes de FXoC que nous avons identifiées consiste à réinventer les services religieux traditionnels. La question n’est pas de jouer l’ancien contre le nouveau, mais de poser la question : cela permet-il d’entrer en proximité avec les personnes auprès desquelles Dieu nous envoie. Parfois la réponse tout à fait traditionnelle est la bonne. Dans d’autres cas, cela ne servirait à rien et les questions à se poser devraient engendrer de la créativité. Il ne faut pas voir d’opposition.

Pourrait-on avoir quelques chiffres sur l’expansion de ces FXoC ?
Durant les deux dernières années, notre petite équipe a effectué une vaste recherche dans dix diocèses. Ceci représente un quart de l’Eglise d’Angleterre. A ce stade, nous ignorons si les trois autres quarts nous donneraient confirmation de ces chiffres. Nous avons néanmoins ciblé des diocèses représentatifs en terme de taille et de contexte. Nous y avons trouvé plus de 500 FXoC, ce qui pourrait nous indiquer qu’il en existe environ 2’000 en Angleterre. On peut considérer d’une communauté sur six est aujourd’hui une FXoC. Nous savons que les personnes qui fréquentent ces FXoC représentent 10% des fidèles. Nous savons encore que, dans une très large mesure, la croissance de ces groupes parvient à endiguer le déclin des diocèses. Une autre découverte très encourageante, c’est le fait que 40% des participants à ces FXoC est âgé de moins de 16 ans. Ce qui est deux fois plus que dans les paroisses traditionnelles. Ceci nous donne beaucoup d’espoir pour l’avenir.

Comment expliquez-vous ce succès ?
Un certain nombre de responsables religieux ont évolué dans un climat qui a reconnu qu’il « fallait faire quelque chose de différent ». De plus en plus de personnes ont été disposées à prendre des risques pour faire des expériences. Nous vivons dans une Eglise qui laisse une grande marge à la créativité et qui apprend en cours de route plutôt que d’avoir la certitude absolue avant de commencer quelque chose. Tous ces facteurs ont beaucoup aidé. Nous vivons aussi dans un climat spirituel dans lequel beaucoup de personnes se disent : « il y a des choses très importantes dans la vie qui ne sont pas d’ordre mercantile » . Les gens cherchent des réponses et du signifiant. Voici quelques éléments, mais il y en a sans doute bien d’autres.

Comment voyez-vous l’avenir ? Les FXoC vont-elles prendre le dessus à terme ?
Bien entendu, je n’en sais rien. Je pense à un diocèse, au milieu de ce pays, dans lequel l’évêque a déclaré publiquement : « en 2030, nous estimons que la moitié de nos Eglises devraient être des FXoC ». Il a commencé à préparer des responsables pour travailler dans cette direction. Cela pourra-t-il se généraliser, ce n’est pas certain. Nous avons des raisons de penser que l’Eglise traditionnelle va continuer à être utile à une partie de la population. Et je m’en réjouis. Et nous devons continuer à penser en termes d’économie mixte.

Propos recueillis par Jean-Christophe Emery, mai 2014.

Une journée à Berne autour des « fresh expressions » en Suisse

Invitation à la rencontre-réseau « Table ronde 2 »

Chers collègues, chers amis,

Vous êtes chaleureusement invités à la deuxième table ronde Fresh Expressions Suisse, le

Mardi 9 septembre 2014
Dans l’immeuble de l’église évangélique méthodiste, Nägeligasse 4, Berne
de 9h30 à 16h

Lors de la première table ronde du mois de mars 2014 à Zürich, nous avons entendu les témoignages de personnes ou groupes qui, d’une manière ou d’une autre, ont entendu parler de l’action des Fresh expressions of Church ou Emergent Church et qui en ont été inspirés. La table ronde a donné le mandat à un petit groupe de planifier la suite.

Il s’agit maintenant d’étoffer et d’intensifier les premiers débuts. L’équipe pilote interconfessionnelle est prête à continuer de favoriser les discussions et l’échange d’expériences. Le réseau interconfessionnel chemine ainsi avec la question de « comment être Eglise » dans un contexte social en mutation.

Déroulement de la journée :

7h50 | Gare de Lausanne, quai 1. Billet collectif : s’inscrire auprès de Aude Roy Michel

Dès 9h | arrivée, café et croissants

9h30 | Début, accueil, but et déroulement de la journée

Rétrospective depuis la première table ronde : à quoi l’équipe pilote a-t-elle travaillée ?

9h45 | Bloc 1, pratique, échange, mise en réseau

1. partie pratique. Expérience de Thawm Mang
Echange en groupes : Que s’est-il passé ?

2. partie pratique. Expérience et adaptation

11h | Bloc 2, travail thématique

Objectif : réseau et échange dans les groupes d’intérêt ou les groupes à thèmes (Café Church, New Monasticism, présidence d’église)
Discussion : Comment l’ensemble se combine-t-il avec l’existant ?

12h | Repas

13h | Bloc 3 Missionstatement

14h45 | Fin et informations

15h | Fenêtre confessionnelle

16h | Open End

Langue : Allemand. Traduction française.

Coûts : 20.- CHF pour l’organisation, le repas et les cafés (paiement cash à l’entrée ; ne comprend pas le billet de train)

Pour les Romands, inscriptions jusqu’au 20 août à l’adresse mail : aude.roy-michel@eerv.ch

La table ronde est un forum ouvert. Toute personne intéressée par le sujet est la bienvenue. Si vous connaissez quelqu’un d’intéressé, veuillez simplement nous en informer pour que nous puissions lui faire parvenir une invitation.

Nous nous réjouissons de cette rencontre avec tous ceux qui s’intéressent à des expressions nouvelles dans l’Eglise.

Cordiales salutations

Aude Roy Michel, pasteure EERV Vanessa Trub, pasteure EPG

Télécharger l’invitation Fresh expressions Suisse [pdf 280 Ko]

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