Depuis 2017, un havre de générosité a ouvert ses portes dans le 20e arrondissement de Paris. Ce café-atelier rayonne de mille activités qui décloisonnent le religieux avec un esprit pionnier.
Rue de Ménilmontant, le Dorothy, café et atelier, accueille quiconque en pousse la porte. Je suis seul cet après-midi et Fanny m’accueille avec le sourire en me proposant de m’asseoir et de prendre à boire. L’échange est amical, fraternel et profond. Fanny, le mercredi, assure bénévolement la permanence du café et pour cela elle a limité son temps de travail.
L’espace est immense, meublé avec de la récupération et le savoir-faire d’un membre de l’équipe. Ce lieu doit son nom à la militante du catholicisme social américain Dorothy Day (1897-1980).La question que se posent ici les membres du collectif est la suivante : «Comment vit-on la charité concrètement ?» D’abord en cherchant à répondre aux besoins des gens de ce quartier populaire. Pour cela, une palette d’ateliers enseigne comment fabriquer une table, installer une robinetterie ou faire soi-même des produits cosmétiques écologiques.
Plusieurs membres du collectif sont de jeunes intellectuels désireux d’articuler savoir, action et foi. Chaque mois, ils organisent des cycles de conférences sur des thèmes de société et d’actualité : «Féminisme et libéralisme», «Mourir au XXIe siècle», «Médecine et santé» …
Le collectif n’a pas la prétention de répondre à tous les besoins. Aussi le Dorothy accueille-t-il d’autres associations qui respectent l’esprit du lieu : des cours de français pour la population étrangère, le Carillon pour la distribution de nourriture aux personnes sans-abris, du conseil administratif, de l’aide aux personnes sans-papiers, du soutien scolaire. En écrivant ces lignes, je remarque le souci éthique évangélique qui caractérise la démarche. Il n’est pas question de sans-abris ou de sans-papiers, mais de personnes sans papiers ou abris. Et cela change tout. D’ailleurs Fanny se fait un point d’honneur à retenir que telle personne aime son café avec deux sucres et que telle autre ne boit que du thé.Chaque semaine, un temps de prière, de louange et de lectio divina rassemble les membres du collectif dans une recherche commune de cohérence entre vie et foi. Toujours dans un esprit non dogmatique et une pratique du débat qui autorise les désaccords. Chacun se considère comme en recherche de vérité.
Le Dorothy est un point de repère dans le quartier. Depuis quelques temps, une voisine vient nourrir les chats du coin. C’est sa manière d’apprivoiser les lieux, sans encore oser en pousser la porte. Et personne ne la forcera.
Bernard Bolay
Les impulsions du Labo Khi
L’optique du Dorothy est clairement de créer du lien social. La capacité à être centré sur les besoins des usagers rend le lieu dynamique. La composante spirituelle s’intègre harmonieusement et fait sens sans être perçue comme du racolage. La variété et la complémentarité des offres génèrent une mise en réseau dont le rayonnement dépasse largement les frontières paroissiales.
Il fait penser à cette église rurale de l’Est de la Grande-Bretagne qui a ouvert un café villageois dans ses locaux pour élargir son horizon socio-culturel.
Dans les deux cas, la recherche d’adéquation au contexte joue un rôle clé. Ainsi, la démarche de foi est-elle intégrée par l’exemplarité vécue en toute simplicité.