Le livre et le rouleau

De nouvelles formes de présence de l’Église surgissent. Elles ouvrent à une compréhension qui ne se limite pas à l’horizon paroissial et qui invite à valoriser la diversité.

Sur l’icône que l’on appelle volontiers l’icône de l’amitié, le Christ tient contre lui un livre alors qu’Abba Mènas tient dans sa main un rouleau. Janine Aeby, membre de la paroisse réformée de St-Saphorin dans Lavaux, a écrit cette icône de façon moderne tout en respectant la belle tradition de prière. Lors de l’inauguration de l’icône, elle relevait avec finesse que le Christ tient tout l’Évangile dans sa main alors que Mènas n’en tient qu’une infime partie.

Ainsi, Mènas n’est pas responsable de l’Évangile entier, seulement de la part qui lui a été confiée. Mais il n’est pas seul. Il est membre du corps du Christ dans lequel chacun.e a reçu son rouleau, sa part à méditer, à faire grandir et fructifier. La vérité de l’Évangile se dit dans le rassemblement des rouleaux, non dans la mise en évidence d’un seul.

Ce qui est vrai au niveau des individus ne vaut-il pas aussi au niveau des Églises et des communautés chrétiennes ? En découvrant plusieurs d’entre elles à Paris au-delà des frontières ecclésiales, l’icône de l’amitié s’est toujours plus imposée à moi. Chaque communauté développe le rouleau reçu, son charisme, sa vision du monde, sa compréhension de l’Évangile. Elle le fait comme elle le peut, à partir de son histoire, de toutes les histoires qui la composent. À partir de son lieu et de son contexte. Pourquoi vouloir vivre à La Défense ce qui se vit au Marais ou à L’Escale ce qui se vit à Boulogne-Billancourt ? Et pourquoi, depuis St-Gervais juger de ce qui se passe à Hillsong et inversement ?

Mais rien n’interdit de s’inspirer du rouleau de Mènas, d’ouvrir son horizon à l’horizon d’autrui. Rien n’oblige non plus à rester prisonnier du rouleau reçu. Lui rester fidèle, oui ! mais en accueillant ce que d’autres ont reçu et compris.

La visite de plusieurs Églises ou communautés parisiennes me conduit au respect de la vocation d’autrui, dans la recherche aimante de ce qui lui est spécifique mais dont il n’est pas le propriétaire exclusif. Plus encore, elle m’invite à l’humilité, dans la confession que le génie d’autrui est source d’apprentissage et dans la reconnaissance que mon génie propre — et celui de mon Église — ne me place au-dessus de personne. L’aventure n’est pas terminée. Elle m’appelle à ne pas considérer mon rouleau comme le livre entier.

Bernard Bolay

 
Les impulsions du Labo Khi

Ne disposant pas d’une autorité hiérarchique, le protestantisme réformé a dû gérer, dès ses origines, la tension entre particularité locale et reconnaissance globale. « L’unité dans la diversité » a été un slogan qui reste aujourd’hui d’actualité. Comment faire pour que la diversité ne conduise pas à l’éclatement et que l’unité ne devienne pas uniformité ? On peut envisager cette question de manière dynamique en distinguant des phases. Dans l’idéal, il conviendrait d’alterner entre des temps de recentrement et des temps de recherche. Dans la réalité de la décroissance, on constate que presque toute l’énergie passe à soigner les personnes encore présentes. Parfois, l’idée même de rejoindre d’autres groupes sociaux n’est plus possible. Or la diversité des rapports au religieux, des références culturelles et des habitudes devrait induire une vaste recherche de nouvelles formes. Un fossé se creuse. Faut-il chercher à former les acteurs présents à faire du neuf au risque d’échouer lamentablement en considérant qu’on ne peut pas changer les mentalités ? Faut-il plutôt chercher à générer du neuf avec de nouveaux acteurs au risque de ne pas pouvoir les intégrer à l’institution ? Des options stratégiques se posent. Le débat est complexe, mais nécessaire. Le simple maintien d’un status-quo est sans aucun doute la pire des stratégies.

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