Jeu « Envole-toi » : oser parler de Dieu avec mes enfants

Même en famille il n’est pas aisé de parler de sa foi, d’exprimer ses convictions, de vivre sa spiritualité. Que répondre aux questions de mon enfant au sujet de Dieu ? Comment répondre à ses interrogations quand il n’est plus un petit enfant et que son esprit critique s’est développé ? Le jeu « Envole-toi » permet de s’y préparer et de s’y exercer de manière ludique en présence d’autres parents.

Une première édition de ce jeu a été créé en 2012 par deux pasteurs de l’EERV. Prévu initialement pour animer des préparations de baptême, il a été revisité et peut très bien être joué à une soirée entre parents d’enfants du même âge ou non. Envole-toi permet d’encourager les parents à répondre aux questions spirituelles de leur(s) enfant(s) et d’aborder quelques grands thèmes de la foi chrétienne.

Le jeu comprend un plateau, cinq pions, un dé et trois jeux de cartes présentant des questions souvent soulevées par des enfants, en fonction de leur âge. Le plateau du jeu représente le parcours spirituel d’un enfant, de la naissance – l’œuf – jusqu’à son adolescence et sa majorité religieuse – l’envol de l’oiseau. Les cartes que les parents découvrent au long du parcours de vie leur permettent de s’exercer à formuler des réponses en interaction avec d’autres parents.

L’échange entre parents leur permet de découvrir qu’ils ont toujours un bout de réponse à apporter et que la plupart du temps les réponses simples et directes sont les plus touchantes. Envole-toi rassure les parents sur leur capacité de parler de leur conviction même s’ils ont parfois des souvenirs d’une éducation chrétienne stricte. Ils réalisent qu’ils peuvent accompagner leur(s) enfant(s) dans la découverte et la pratique de la foi chrétienne et d’échanger avec eux sur ce thème en toute simplicité.

Commande

Les jeux sont vendus au prix de Fr 39.- /pce.

Religion et spiritualité à l’ère de l’ego*

Évolution

Durant les années 1960, se sont produites une perte de valeurs fondées sur le devoir et l’obéissance et une augmentation de celles fondées sur le développement personnel. Cela a conduit à une dévalorisation de la religion et de la religiosité : la religion a perdu sa fonction de légitimation et se voit désormais associée aux « anciennes valeurs », alors qu’apparaissent des valeurs indépendantes de la religion.

Dans ce contexte, les protestants réformés sont confrontés à une absence d’image qui n’apparaît pas, à l’inverse des catholiques, comme un ensemble clair et distinct. En phase avec le temps présent, ils font « partie du paysage religieux », sans être l’objet d’une attention spécifique et leurs offres n’intéressent pas.

De manière générale, on constate que, depuis 1950, les établis ont fortement décliné, qu’à l’inverse, les distanciés et les alternatifs connaissent une croissance, et que les « évangéliques » se maintiennent grâce à leur stratégie de clôture et de compétitivité.

Explication

La révolution culturelle des années 1960 a entraîné un changement du régime de concurrence : celui de la société industrielle a été supplanté par celui de la société de l’ego. C’est pourquoi aujourd’hui la société se comprend pour l’essentiel comme pluraliste, le christianisme n’étant en son sein plus qu’une religion parmi d’autres.

Les Églises ont perdu inconsciemment toujours plus de fonctions et se sont affaiblies de l’intérieur : les individus considèrent que la pratique religieuse relève fondamentalement d’une option facultative et se demandent ce que la pratique religieuse peut leur apporter en comparaison avec d’autres activités.

Conséquences

Les personnes, les fournisseurs religieux spirituels et la société dans son ensemble font face au défi de prendre en compte le fait que chacun vit désormais dans un monde où il peut et doit décider lui-même de sa conviction religieuse et de sa pratique, ne pouvant guère s’appuyer sur une tradition.

Les fournisseurs religieux ou spirituels doivent s’adapter à une situation dans laquelle les individus leur sont affiliés non pas en raison d’une tradition, mais en raison de leur propre choix, fondé sur une évaluation des services et des prestations (entraînant une situation de concurrence).

Cette concurrence de la société de l’ego signifie qu’ils ne peuvent plus se permettre de conflits publics autour du pouvoir, de l’influence et de l’hégémonie relative à l’interprétation du sens. Ils doivent engager de grands efforts pour « rester sur le marché », c’est-à-dire pour motiver les personnes à rendre disponibles leur temps, leur énergie et leur argent pour des objectifs religieux.

Cela explique que les Églises tentent de plus en plus d’appliquer des stratégies relevant du marketing (p. ex. prise en compte de la satisfaction du client, garantie qualité, publicité), une stratégie importante consistant à atteindre une certaine dimension pour être en mesure de résister aux conflits de concurrence (ce qui explique les phénomènes de fusions et les méga-églises).

L’Église de multitude cède donc de plus en plus la place à celle de professants avec, conjointement, de plus en plus de phénomènes hybrides, (offres partiellement spirituelles ou dont la spiritualité est peu identifiable).

Il semble donc que l’on assiste à une dissolution de la religiosité populaire qui allait de soi alors qu’apparaît une nouvelle ligne de conflit opposant des personnes aux croyances fortes et s’engageant pour leur foi à des sécularistes militants combattant la religion comme produit dérivé inutile, voire erreur de l’évolution.

 

*Jörg Stolz, Judith Könemann, Mallory Schneuwly Purdie, Thomas Englberger, Michael Krüggeler, Religion et spiritualité à l’ère de l’ego. Profils de l’institutionnel, de l’alternatif, du distancié et du séculier Genève, Labor et Fides, 2015.

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Le paysage religieux suisse

Le paysage religieux a fortement évolué au cours des décennies passées. Le pays traditionnellement bi-confessionnel est devenu un pays sécularisé et pluri-religieux. Plusieurs développements expliquent cette évolution :

  • l’individualisation ayant émergé de la révolution culturelle des années 1960, avec pour effet le libre choix de son appartenance religieuse laissé à l’individu lui-même;
  • l’augmentation massive des personnes sans confession depuis les années 60;
  • l’immigration de personnes appartenant à des communautés religieuses chrétiennes et non-chrétiennes ou sans appartenance religieuse.

Du c
ôté des chrétiens

Sur le plan religieux, en Suisse et en 2015, les catholiques et les évangéliques réformés continuent à diminuer et constituent moins des deux tiers de la population. Quelque 6% appartiennent à une autre communauté chrétienne. Si, en 1970, près de 95% de la population suisse étaient membres de l’Église catholique ou de l’Église évangélique-réformée, en 2015 seuls deux tiers environ de la population le sont encore. Les réformés sont particulièrement touchés, diminuant de moitié entre 1950 (56,3%) et 2015 (24,9%). Les catholiques résistent mieux grâce aux migrants dont de nombreux sont catholiques, même s’ils diminuent également.

Personnes sans confession

C’est l’évolution la plus frappante : près du quart de la population suisse se déclare sans confession. Cette forte augmentation au cours des 20 dernières années marque de son empreinte le paysage religieux de la Suisse et contribue à le transformer, principalement dans les cantons de Bâle-Ville (46,2%), de Neuchâtel (42,3%) et de Genève (38,9%) qui présentent les taux de personnes sans confession les plus élevés. Pour l’ensemble de la Suisse, on compte 23,9% de personnes sans confession.

Pluralité religieuse

Elle se manifeste dans l’augmentation légère de la part des autres communautés chrétiennes (ni catholiques, ni évangéliques réformées) et des communautés islamiques (5,1%). Toutefois, la pluralisation religieuse reste faible en comparaison de la sécularisation qui progresse encore à un rythme soutenu. Aux quelques sorties d’Église s’ajoute l’augmentation des personnes sans confession. Par ailleurs, de moins en moins d’enfants sont baptisés et le pourcentage de personnes sans confession a fortement augmenté parmi les migrants en provenance des États de l’UE et de l’AELE.

Augmentation des sorties d’Église

Entre 2011-2012 et 2015, leur nombre a augmenté dans la plupart des cantons, tant pour les Églises catholique romaine qu’évangélique réformée. Si, en Suisse, on note globalement qu’en 2013 huit membres sur 1’000 quittaient l’Église, ils sont presque dix sur 1’000 à l’avoir fait en 2015.

Église et mariages

Le nombre de mariages civils reste relativement stable depuis les années 1960 (soit env. 42’000/an), alors même que durant cette période, la population globale a augmenté de près de 50%.

En revanche, le nombre des mariages célébrés à l’Église a fortement diminué. Au cours de l’année 2015, en Suisse, 3’845 couples ont célébré leur mariage dans l’Église catholique et 3’870 couples dans l’Église évangélique réformée. En 2015, le taux de mariage catholique a été de 23% et celui de mariage réformé de 30%.

Les deux grandes Églises ont donc perdu le rôle, autrefois incontesté, dans ce domaine du mariage. Le choix d’un couple de se marier à l’église aujourd’hui s’est transformé de simple respect de la tradition en une décision à caractère religieux consenti. Dans ce contexte, les collaborateurs et les collaboratrices engagés par l’Église pour la pastorale sont tenus d’accompagner les couples qui souhaitent se marier religieusement et de préparer la célébration de manière très individualisée.

Croire et/ou appartenir

La sociologue britannique Grace Davie a publié, en 1994, un ouvrage sur les convictions religieuses et la sécularisation en Grande Bretagne depuis 1945. L’un des éléments saillants de cette recherche a consisté à développer des outils conceptuels permettant d’exprimer les convictions religieuses détachées de l’engagement ecclésial. En français on parle des croyants non pratiquants ou des distancés. Il s’agit essentiellement de distinguer deux éléments du processus d’identification religieuse. Cette simplification met en évidence une matrice qui peut s’avérer utile pour travailler la question de l’évangélisation. En voici succinctement quelques points.

  • [A] La personne se définit comme non croyant et non pratiquant.
  • [C] La personne confesse une conviction personnelle, mais celle-ci n’est pas liée à un engagement collectif.
  • [B] La personne se définit comme appartenant à une entité ecclésiale (ou un projet de cette nature), mais ne se prononce pas explicitement comme croyante.
  • [D] La personne se définit comme croyante et pratiquante.

Sans doute s’agit-il de nuancer ces éléments puisque les convictions comme les appartenances sont aujourd’hui d’une grande mobilité. De plus, il est particulièrement délicat de chercher à évaluer la force des convictions ou celle des appartenances. Bien que réducteur, ce schéma a le mérite d’inviter à la réflexion, à l’analyse de nos activités et à un travail sur l’action.

A l’aide de ce schéma, on peut s’interroger sur le passage d’une personne en forte distance [A] à l’état de croyant et pratiquant [D]. Celui-ci peut s’effectuer selon trois modalités non exclusives.

1. La conversion

Lorsqu’une personne embrasse la foi et la pratique religieuse avec une simultanéité, on parle de « conversion ». Souvent associée à une certaine soudaineté, parfois une radicalité, cette trajectoire personnelle est plutôt marquée par la rupture.

Traditionnellement, les groupes qui valorisent fortement la conversion misent sur la prédication et l’appel à la conversion (évangéliques) et/ou l’expérience religieuse émotionnelle (charismatiques).

2. La découverte spirituelle

La démarche peut aussi s’opérer en deux temps. Passer de [A] à [C] par le biais d’un cheminement spirituel détaché et d’un engagement à plus long terme (une session de formation par exemple). Puis passer de [C] à [D] en prenant conscience que la foi ne se réduit pas à une démarche privée.

Les offres de développement personnel, parcours de spiritualité, pratique de méditation, etc. s’inscrivent dans cette perspective.

3. L’insertion relationnelle

Il est aussi possible d’envisager l’itinéraire qui consiste a d’abord rejoindre un groupe de croyants en envisageant un engagement concret.[A] -> [B]. Dans un second temps, la personne envisage positivement la pratique et l’adhésion à la foi  [C] -> [D].

Les groupes orientés sur l’action sociale, les événements de type « fête paroissiale » ou les groupes de maison représentent quelques-unes des formes plus sensibles à cette approche.

Si l’on croise cette réflexion avec des éléments liés aux quatre modèles missionnaires du Nouveau Testament, on peut établir le schéma suivant :

Ce visuel permet :

  • D’analyser les activités existantes pour évaluer les présupposés qu’elles renferment en terme d’affiliation et de conviction.
  • D’orienter de nouvelles activités vers des modèles missionnaires inexploités.
  • De valoriser la diversité des approches et des sensibilités personnelles.
  • De situer les réponses fournies par l’outil de test personnel « contactGPS« .

La loi d’Evrett Rogers

Réfléchir à la dynamique du changement est l’un des incontournables de la thématique qui nous occupe ici. Elaborée en 1962, la loi d’Evrett Rogers pourrait offrir un cadre de réflexion facilitant la stratégie de mise en place de nouveaux projets ou de nouvelles orientations.

Everett Rogers est, dès son plus jeune âge, confronté à la résistance au changement. Dans le contexte rural de l’Iowa (USA) des années 1930, certains agriculteurs refusent d’utiliser des semences traitées chimiquement pour mieux résister aux conditions climatiques et aux parasites. Si anecdotique soit-elle, cette expérience conditionnera, bien plus tard, son intérêt pour la diffusion de l’innovation. Alors qu’il est assistant d’un professeur de sociologie rurale, en 1962 à l’Université d’Etat d’Ohio, il publie un livre qui fera date. Son célèbre schéma, inspiré de la courbe de Gauss, est le fruit de ses recherches. Il définit cinq groupes de population dont le rapport à la nouveauté varie.

Les catégories d’adoptants

  1. Les novateurs sont les plus sensibles à l’innovation. Ils sont à l’affut du changement et partagent volontiers leur expérience avec d’autres. Leur besoin de changement est « interne » et dépend, dans une moindre mesure, des informations « externes ».
  2. Les premiers adoptants sont également friands de nouveauté et se laissent très vite convaincre par les précédents. Légèrement plus timorés, ils n’hésitent pas à exprimer leur évaluation de la nouveauté.
  3. La majorité précoce est constituée de « clients » plus réfléchis qui attendent les retours d’expérience des premiers avant de faire le pas. Ils sont plus sensibles aux informations « externes ».
  4. La majorité tardive est bien plus lente dans son processus d’adoption de la nouveauté. Elle attend qu’une large part de la population donne des preuves de l’intérêt du changement.
  5. La garde est constituée par des personnes qui perçoivent avant tout le changement comme une menace. Ces personnes ne se laissent convaincre que si les avantages de la nouveauté sont très largement supérieurs aux avantages de l’ancienne formule.

En 1991, le schéma de Rogers est révisé par Geoffrey Moore qui, dans son livre « Crossing the Chasm », introduit la notion d’abîme. Il définit deux sous-groupes dans les cinq groupes de Rogers. Les deux premiers sont qualifiés de sensibles à la performance (technologique) alors que les trois autres sont plus sensibles aux solutions et au confort. Ces derniers sont plus attentifs à la simplicité (d’usage), à la qualité (durabilité), à la confiance qui se dégage (des tests effectués) et aux avis favorables exprimés. Moore estime que la majorité des échecs en matière d’innovation se produisent au moment de chercher à convaincre non plus les individus (des deux premiers groupes), mais les masses des deux majorités.

Les critères d’adoption

Quant à Rogers, il a poursuivi ses recherches et identifié cinq éléments qui entrent en ligne de compte en matière d’adoption de la nouveauté.

  1. L’avantage relatif d’une innovation qui lui permet d’être perçue comme meilleure que d’autres ou que l’ancienne formule.
  2. La compatibilité est l’adéquation de l’innovation avec les valeurs, les expériences, les pratiques sociales et les normes des utilisateurs.
  3. La complexité (ou la simplicité) d’une innovation va définir l’énergie nécessaire pour adopter la nouveauté. Plus celle-ci sera grande, plus la résistance sera importante.
  4. La souplesse d’une nouveauté est définie par la possibilité de contribuer à faire des modifications avant de s’engager à l’utiliser. Celle-ci va jouer sur le degré de confiance accordé à l’innovation.
  5. L’observabilité concerne la clarté des résultats, des effets produits. Plus ceux-ci sont patents, plus la nouveauté sera perçue comme porteuse d’un changement mesurable.

Les recherches (Rogers 1995, Moore et Benbasat 1991) ont montré que la combinaison de ces facteurs joue un rôle important.

Quelques éléments d’appréciation

Il y a diverses manières d’intégrer la Loi d’Everett Rogers dans les dynamiques de créativité que les lieux d’Église cherchent à développer.

  • Accepter le fait que la nouveauté génère des interrogations et des résistances. Ne pas les considérer trop rapidement comme des feux rouges.
  • Tenir compte de la temporalité différente en matière de présentation de toute nouveauté.
  • Identifier les personnes des deux premiers groupes et chercher à établir des alliances avec elles.
  • Identifier les personnes et les groupes de la majorité précoce et comprendre quels aspects d’un projet pourront les convaincre.
  • Identifier les personnes et les groupes de la majorité tardive et chercher à surmonter avec elles les obstacles, les objections (souvent fondées) et les réticences (souvent plus émotionnelles).
  • Identifier les personnes de la garde et travailler à mieux profiler le projet (parfois en négociant certains aspects) pour que celui-ci ne soit pas perçu comme une menace.

Exploitation

Vous pouvez télécharger un pdf comprenant le schéma de Rogers et Moore dans l’idée de l’utiliser pour développer une nouvelle dynamique.

Quel modèle de transmission de l’Evangile vous parle le plus ?

 

Mode d’emploi

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Analyse des résultats

Une fois le test effectué, nous vous invitons à consulter l’article vous permettant de réfléchir aux quatre modèles missionnaires desquels le test s’inspire.

Les modèles missionnaires du Nouveau Testament

Dans notre monde déchristianisé l’évangélisation n’a pas bonne presse et pourtant elle est constitutive de la vocation de l’Église, qui est d’être pour les autres et pour le monde une Église de témoignage et de rencontre.

Christian Grappe, Prof. Nouveau Testament à l’Université de Strasbourg

Alors comment partager l’Évangile d’une nouvelle manière aujourd’hui ? Un retour aux sources permet de distinguer quatre modèles missionnaires stimulants dans le Nouveau Testament : la mission centripète ou d’édification de la communauté, la mission centrifuge ou de création de nouvelles communautés, la mission par contagion et la mission par immersion. Ces modèles ont été présentés par Christian Grappe, professeur de Nouveau Testament à l’Université de Strasbourg.

Les modèles centripète et centrifuge


Le modèle centripète se focalise sur la communauté à faire grandir.

Jésus de Nazareth semble limiter sa propre proclamation et son action au seul peuple d’Israël : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15,24). Mais déjà là, il y a une immense ouverture car le Royaume de Dieu fait irruption par sa proclamation et son action n’est pas limitée au Temple de Jérusalem. Contrairement aux autres mouvements de son temps, Jésus s’adresse à tous, sans aucune exclusion ou préférence. Par ailleurs, il associe les Douze à sa proclamation de la bonne nouvelle. On peut considérer cette approche comme centripète puisqu’elle se focalise sur un noyau à faire grandir.
Le grand changement à lieu après Pâques. On le voit clairement dans le contraste dans l’évangile de Matthieu entre l’envoi des Douze (Mt 10,5-15) et après la résurrection (Mt 28,16-20). Dans le premier cas, Jésus interdit de prendre le chemin de païens ou d’entrer dans une ville des Samaritains et dans le second, le Ressuscité ordonne de faire de toutes les nations des disciples. Cinquante ans se sont passés entre le temps du ministère de Jésus et la rédaction de l’évangile. La mission au loin fait donc appel à un modèle centrifuge à l’origine de nouvelles communautés.
Après Pâques les deux modèles, centripète et centrifuge, cohabitent et sont parfois mis en œuvre par les mêmes personnes.
Dans les premiers chapitres des Actes, la communauté de Jérusalem pratique une mission centripète en accueillant les pèlerins avec l’emblématique texte de la Pentecôte comprenant la liste des peuples (Ac 2,1-13). Il se peut qu’aux origines, l’Église primitive de Jérusalem ait envisagé le pèlerinage des nations de manière exclusivement centripète.

A l’image de la plante que l’on place dans un pot ou un terreau, le modèle centrifuge s’emploie à fonder des communautés nouvelles.

Paul est le principal acteur du modèle centrifuge. Convaincu de la proximité du retour du Christ, il est habité par un sentiment d’urgence qui l’amène à porter le plus rapidement possible l’Évangile aux confins du monde alors connu : l’Espagne. Cet inlassable propagateur de la bonne nouvelle est convaincu que l’Évangile doit être annoncé à toutes et à tous en tout lieu.
Mais Paul est aussi un promoteur du modèle centripète. En effet, une fois de nouvelles communautés fondées, il poursuit son apostolat et leur envoie des épîtres. Celles-ci sont davantage marquées par un souci d’édification communautaire que par un élan missionnaire.
Le livre des Actes témoigne également de la présence des deux modèles évoqués. Son auteur reprend, lui aussi, la dynamique d’une mission qui se conçoit à l’échelle du monde. Il n’est cependant pas sensible à l’urgence missionnaire de Paul. Dans Actes 1, 6-8 c’est le Ressuscité en personne qui assigne aux disciples comme mission le témoignage, dans une dynamique centrifuge, à partir de Jérusalem. Le « retard » du retour du Christ invite dans les années 80 à 90, à concevoir une histoire qui se déploierait sur la longue durée.
Le livre des Actes promeut un universalisme qui se limite au monde connu à l’époque, à savoir les frontières de l’Empire romain. Il est, dès lors, intéressant et important de constater que grâce au livre des Actes, l’Europe se trouve pourvue d’un récit de fondation dont ne dispose aucun autre continent.

Le modèle d’une mission par contagion

A l’image de la greffe qui grandit sur une autre plante dans l’idée d’une association fructueuse.

Ce modèle invite les croyants à être, à la suite du Christ, sel de la terre et lumière du monde. Le sermon sur la montagne (Mt 5,13-16) illustre ce modèle en insistant sur le témoignage dans le quotidien et sur l’exemplarité de la conduite. Ce modèle d’une mission conçue par contagion est aussi illustré par l’évangile de Jean. La prière de Jésus, au chapitre 17, affirme que l’objectif de l’unité des disciples et des croyants est le témoignage au monde. La démonstration de l’unité révèle la perfection de l’amour et du salut donnés par Dieu.
Mais c’est surtout dans la Première épître de Pierre que ce modèle est attesté. Ainsi dans 1P 2,12 les destinataires de l’épître sont exhortés à avoir une belle conduite au milieu des païens, afin qu’ils remarquent leurs bonnes œuvres et glorifient Dieu, au jour où il les visitera. Et 1P 2,15 renforce le propos en précisant que c’est en pratiquant le bien que les croyants réduisent au silence les hommes ignorants et insensés.

Le modèle d’une mission par immersion

L’idée de l’immersion correspond à la perspective des semailles qui se concentre sur la dissémination du message.

Ce modèle s’appuie essentiellement sur l’évangile de Jean. Il est frappant de voir, au début de cet évangile, Jésus réaliser des signes inhabituels pour la tradition juive et aller à la rencontre de personnages non-juifs ou syncrétistes. En Jean 2, il réalise à Cana un signe étranger à la tradition d’Israël, plutôt associé au culte de Dionysos très répandu jusqu’en Palestine et en Samarie. Et en Jean 4, il rejoint la Samaritaine sur ses terres au puits de Jacob. On observe donc une mission par immersion dans la mesure où le Jésus présenté par Jean prend en compte la situation de ses interlocuteurs et les rejoint sur leur propre terrain pour apporter une réponse à leurs attentes.

Des modèles d’actualité

Les récits du Nouveau Testament témoignent d’une créativité missionnaire capable de donner des réponses différenciées et contextuelles. Celles-ci ont permis l’essor de la nouvelle foi dans le cadre d’une société indifférente ou même hostile. On peut risquer quelques parallèles avec la situation actuelle de post-chrétienté. Bien que tributaire d’un lourd héritage dans lequel la mission s’est accompagnée de contraintes, voire de terreur, le mouvement missionnaire, tel qu’il est pensé dans le cadre du COE (Conseil Œcuménique des Eglises), a opéré une large remise en question. L’enjeu actuel est de redécouvrir une forme de fraîcheur que l’on découvre dans les quatre modèles présentés ici. Les modèles « par contagion » et « par immersion » insistent encore davantage que les autres sur la nécessité du profond respect dû à ceux et celles auxquels l’Évangile est annoncé.

Pour aller plus loin

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