Formation à l’innovation : atteindre l’inatteignable

Les Églises réformées romandes investissent dans une formation à l’innovation. Son but : apprendre à rejoindre plus largement en ciblant mieux les activités et les publics. Zoom sur cette nouvelle initiative qui a conquis une trentaine de participants.

En juin 2021,une nouvelle formation à l’innovation pour des professionnels des Églises réformées romandes voit le jour. Son centre d’attention se porte sur les familles : « Nous voulons réinventer notre offre avec des familles distancées ou absentes de notre Église afin de créer du lien communautaire et spirituel » rapporte Sophie Wahli-Raccaud, pasteur et co-responsable de la formation continue à l’Office protestant de la formation. La mélodie est posée, maintenant il faut danser.

Rencontrer l’inconnu

Savoir se rapprocher et aborder de nouveaux publics qui ne font pas partie du cheptel des fidèles habituels. Voilà le défi relevé par la première volée de la formation à l’innovation qui a touché différentes catégories de professionnels en Église. «Le but principal est d’inventer de nouvelles formes de services pour se rapprocher des publics qui font rarement ou jamais appel aux services ecclésiaux», explique Valérie Bauwens, formatrice et intervenante principale du projet.

Créativité dirigée

Pour Sophie Wahli-Raccaud la créativité est une compétence innée qui demande à être stimulée et investie dans des projets professionnels. La formation s’organise autour d’approches bien connues du monde de l’innovation en ingénierie : le Design Thinking et la théorie U. Venus tout droit des universités américaines, ces deux outils structurent le processus de créativité. Leurs atouts : aboutir à l’émergence d’une nouveauté en phase avec les besoins réels du public cible. «Cette méthode permet d’innover sans tomber à côté», explique Valérie Bauwens. Et d’enchaîner : «Une innovation réussie est désirable pour les gens qu’elle concerne parce qu’elle répond à un réel besoin.» Pour Anne Rochat, animatrice d’Église et participante : «La formation me permet de structurer des choses que je percevais intuitivement. Elle me donne une méthode, un fil conducteur pour innover.»

Tout voyage commence par un premier pas

Mais alors, c’est quoi un projet «innovant» ? Pour Valérie Bauwens pas besoin de s’appeler Steve Jobs pour oser créer : «Le chemin parcouru durant le processus créatif est tout aussi important que les idées issues de la démarche. On ne s’intéresse pas tout de suite au résultat.» Donc l’innovation s’apprend. Une étape-clé est de regarder sa situation avec d’autres points de vue. La participante Anne Rochat explique sa prise de conscience à la suite de cet exercice : «C’est indispensable de rencontrer la réalité de la personne qu’on veut rejoindre.» Pour l’animatrice, il ne suffit pas de deviner ce que l’autre pense ou aimerait. Il faut prendre le risque d’aller le lui demander. «Partir à la recherche d’expériences et de faits, plutôt que des idées ou des opinions, c’est vraiment la base pour innover correctement.» 

Les participants ressortent riches de ces entretiens. Anne Rochat d’ajouter: «Se présenter en enquêteurs et non en « prêcheurs » change beaucoup la relation. Nous sommes centrés sur la réalité de l’autre et pas sur le souci de transmettre quelque chose. Les gens se sentent écoutés et parlent plus volontiers.»

Créer pour rejoindre

A partir des besoins collectés avec les entretiens, les participants élaborent, en groupe, des prototypes pour rencontrer les personnes distancées. Pour donner la direction à l’élan créatif, ces prototypes sont construits sur la base d’une vision et d’un objectif concret. Neuf prototypes sont actuellement testés en Romandie. Par exemple, un groupe imagine ouvrir les portes de l’église lors d’un jour du marché et en faire un lieu d’accueil et de rencontre pour tous. «La vision et l’objectif de ce prototype est qu’à travers l’échange on peut vivre l’évangile en allant voir l’autre, le rencontrer sans même parler de religion», détaille Valérie Bauwens. D’autres participants ont choisi de faire un Géocaching (chasse au trésor) aux abords de lieux potentiellement symboliques, comme des ponts. «Une famille peut donc aller d’une cache à l’autre et trouver question anodine ou  fondamentale sur l’existence. Chacun a la liberté de creuser

Sortir de l’ombre

Pour Sophie Wahli-Raccaud, «ces prototypes permettent de rencontrer et d’élargir les échanges à des familles distancées.» Et d’ajouter que ces activités de rencontre partagent implicitement des valeurs d’Évangile mais disent explicitement qu’elles sont organisées par l’Église. «Ce sont des projets actuels et pertinents pour le grand public qui rafraîchissent la perception de l’Église.» La participante Anne Rochat abonde : «Il y a une bonne dizaine d’années, j’ai réalisé qu’il fallait changer de méthode pour approcher le public des familles. Il ne suffit plus de communiquer notre programme et d’attendre que les gens viennent à nous, il faut aller les chercher là où ils sont. Parfois loin de nos cercles.»

Une formation exigeante

Innover demande un gros effort mental pour remettre en perspective les acquis et trouver d’autres manières de faire face aux difficultés à résoudre. «Nous nous sommes rendus compte que très peu de participants sont allé parler à des personnes sans lien avec l’Église. Entrer en contact avec ce type de public semblait être un vrai défi», constate Valérie Bauwens. Une autre difficulté est de s’autoriser à lâcher, à inventer quelque chose de nouveau hors du cahier des charges habituel. «Cela va de pair avec une démarche d’innovation. On balaie les anciennes habitudes rassurantes pour en construire d’autres, sans être sûr du résultat et de son acceptabilité par l’organisation actuelle. Cela demande beaucoup de courage», ajoute la formatrice.

Apprendre entre pairs

Le soutien d’un groupe de trente personnes permet d’évoluer sur le chemin de l’innovation, tout en luttant contre la solitude professionnelle. «Travailler en équipe a été une aide. Pour une fois, je n’avais pas l’impression de devoir tout faire toute seule», explique Anne Rochat. Et de continuer : «J’ai aimé que cette formation rassemble des collègues de tout le canton et au-delà. J’ai pu découvrir ce qui se fait ailleurs, dans des contextes parfois assez différents. J’ai élargi ma vision et agrandi mon réseau.»

Grandir dans sa pratique professionnelle

Ceux qui réussissent à sortir de leur zone de confort grandissent. «Peu à peu des participants osent formuler des envies de projet en trouvant une autre valeur ajoutée qu’ils apportent en tant que professionnel ecclésial», explique Valérie Bauwens. Pour la formatrice cela ne fait aucun doute, ces personnes évoluent dans leur posture. Elles se connectent à d’autres réalités et besoins. Résultat : elles intègrent une nouvelle dynamique professionnelle.  Elles ont une autre vision de ce qu’elles font. Elles réfléchissent et osent réinventer leurs pratiques pour trouver une place renouvelée dans le paysage sociétal.

Une nouvelle formation à l’innovation est prévue pour 2023. Jetez-y un œil sur le site de l’Office protestant de formation !

Le boom des célébrants laïcs

En Romandie, de nouvelles figures sont apparues dans les temples protestants pour unir les couples et rendre les derniers hommages aux défunts : les célébrants laïcs. Rencontre avec l’un d’entre eux, Mathias Neri.

De nouveaux venus dans les églises

Le nombre de protestants romands préférant un célébrant laïc à un pasteur pour un mariage ou un enterrement augmente, et cela même si la cérémonie funèbre a lieu dans une église. Matthias Neri, célébrant laïc depuis 2021, évoque les interactions qu’il a avec le monde ecclésial. «Beaucoup de gens se font de fausses idées sur nous, et ne réalisent ce qu’on fait réellement que lorsqu’ils assistent à une de nos célébrations.»

La laïcité comme une invitation

L’idée que la laïcité signifie l’exclusion de tout aspect religieux, surprend Matthias Neri : « Je n’ai jamais vu les choses comme ça, pour un célébrant laïc, c’est tout le contraire. Nous cherchons à ce que chacun se sente à l’aise d’amener avec lui sa propre religion et sa propre spiritualité». Dans ce type de cérémonie, la religion sous toutes ses formes est la bienvenue. C’est une démarche profondément inclusive. Concevoir et animer une célébration qui réunit plusieurs confessions est un vrai défi. Et le célébrant d’ajouter: «Certains protestants, même très pratiquants, font appel à mes services, pour que tous leurs proches, même d’autres confessions, puissent se reconnaître dans la cérémonie et ne pas se sentir exclus.»

Mathias Neri, célébrant laïc
Mathias Neri, célébrant laïc

Dieu au travers de l’humain

Pour lui, chaque cérémonie est différente, car chacune se basera sur la spiritualité des mandants qui font appel à ses services. Si parfois Dieu est absent des cérémonies, il peut être fortement mobilisé dans d’autres. Pour Matthias Neri il n’y a là pas de contradiction avec son statut de laïc : «Dieu n’est évoqué qu’au travers des gens et de leurs propos. C’est le vrai centre de notre travail. Nous relatons la foi et les croyances de nos mandants sans avoir d’agenda religieux.»

Une spiritualité de l’accompagnement

Bien qu’il soit né dans un foyer catholique, la nourriture spirituelle de Matthias Neri ne réside pas dans la tradition chrétienne. Il estime que les moteurs de son activité sont l’accueil et l’accompagnement des personnes dans des moments importants de leur vie. «Je me considère comme très ouvert et très spirituel.» Et d’ajouter: «Pendant de longues années, je me suis réalisé dans l’accompagnement des personnes en fin de vie et des polyhandicapés. j’ai été aide-soignant pendant 22 ans. C’est lors du mariage de deux amis voulant être unis par un célébrant laïc que je me suis vu en devenir un. La place de l’accompagnement est centrale dans cette profession».

Laïc en Eglise

Pour lui, les célébrants laïc n’ont rien inventé: «Nous sommes très proches de ce qu’offre un service religieux.» Cette proximité peut parfois causer des problèmes. «Je crois que certains ministres ont peur qu’on leur vole leur travail. Il y a la question de nos tarifs, qui n’est pas toujours bien comprise non plus», poursuit-il : en effet, les célébrants laïques sont des indépendants payés pour leur services directement par les mandants, et non par l’église ou une autre institution. En certaines occasions, il se rend dans des églises protestantes à la demande de familles endeuillées. «C’est regrettable qu’il n’y ait pas de moments de rencontre avec les pasteurs et les diacres outre le moment où ils nous ouvrent l’église. Nous avons beaucoup à nous dire. Nous pouvons briser les clichés que nous avons les uns sur les autres par le dialogue» conclut Matthias Neri, membre de l’ACOR, l’association des célébrants laïcs de Romandie.

 

Dans les médias :

Le 19:30 du 19 mai 2022

Une série Vacarme de 2021

Une émission Temps Présent de 2009

Des outils pour coopérer dans les Églises

Auteure du livre « coopérer sur la durée dans l’Eglise locale » sorti en 2022, la sociologue Marie Carayol invite à une meilleure collaboration ecclésiale. Témoignages et analyses de terrain sont au menu de cet ouvrage qui interroge la gouvernance d’Église et la coopération sur le long terme. Interview.

D’où vient votre démarche d’accompagnatrice en coopération ?

Dans mes années de jeune travailleuse sociale, j’ai permis à des habitants de quartiers populaires de se prendre en main. Ils ont amélioré leurs conditions de vie pour eux-mêmes et l’endroit où ils habitent. J’ai innové dans ce milieu d’éducation sociale en adoptant une démarche humaniste qui autorise la personne à prendre une posture d’acteur capable et conscient.

Quelques schémas tirés du livre

Qu’avez-vous constaté dans le domaine ecclésial ?

En m’intéressant à la gouvernance d’église, j’ai vu que ses membres ne sont pas dans cette posture d’acteur. Alors qu’ils souhaitent l’avoir. Mais elle n’est pas facilitée par les dirigeants ecclésiaux. Résultat : il y a de la frustration des deux côtés. On reproche aux gens de ne pas assez s’engager et rien n’encourage à faire plus.

Quelles observations tirez-vous de cette situation paradoxale ?

J’ai étudié les représentations des deux côtés et les postures freinant la collaboration. Fondamentalement, mon texte traite de la peur qui nous empêche d’aller vers l’autre, de se confronter à lui et de collaborer. Se confronter à différentes personnes, c’est rencontrer nos propres angoisses. Il est nécessaire d’effectuer un travail sur soi qui passe par un constat de difficultés, d’échecs, de frustration, de découragement. C’est seulement après cette prise de conscience qu’on s’interroge sur la façon de construire quelque chose de différent avec les gens.

Et comment fait-on pour ne plus avoir peur ?

En s’inspirant des autres. J’ai travaillé pendant un an et demi avec quinze pasteurs des milieux évangéliques et réformés. J’ai recueilli les témoignages d’une quarantaine de personnes engagées dans des églises pour qu’elles parlent de ce qu’elles vivent. Ce livre mêle une approche théologique à une approche psycho-sociale systémique. C’est un ouvrage-outil pour questionner les postures qui facilitent ou non la coopération en milieu ecclésial. Le but est d’aboutir à des actions concrètes à impact collectif, quitte à faire bouger les lignes de forces hiérarchiques de l’institution.

Par exemple ?

Un des pasteurs participant au projet du livre a mis en place dans son église de manière très intentionnelle le « ensemble ou rien » dans une culture très hiérarchisée. Bien que chacun ait son mot à dire à égalité avec la parole des autres, les gens étaient complètement perdus. Grâce à un travail de mise en confiance et en sécurité, ce pasteur a pu mettre en place son projet. Résultat : le nombre de personnes qui fréquentent l’église n’a pas augmenté mais celui des personnes engagées a bondi. De plus, les personnes engagées dans cette église le sont en lien avec leurs dons, leurs souhaits, leurs envies.

Votre livre s’intéresse beaucoup au milieu évangélique. Or, il y a des différences de construction dans la dynamique des communautés protestantes et évangéliques, ainsi que dans leurs rapports institutionnels. Comment cela joue-t-il un rôle ?

Le milieu protestant est riche de gens qui soutiennent, parfois à bout de bras, des initiatives. Il y a des personnes très motivées qui en même temps composent avec les contraintes de leurs instances décisionnelles ecclésiales. J’ai été fasciné de constater que ces personnes envisagent les difficultés rencontrées comme un chemin de transformation, de croissance spirituelle. Cependant, dans chaque milieu, j’ai vu une souffrance de l’enfermement. Les personnes avec lesquelles j’ai travaillé ont été très heureuses de se rencontrer, au-delà de leurs peurs ou de leurs représentations de l’autre. Cela les sortait de la solitude.

La coopération, repose-t-elle sur de bonnes techniques ou de bonnes intentions ?

Les deux à la fois. Une personne seule qui a envie de vivre la gouvernance partagée par exemple, ne peut pas faire face à d’autres individualités qui ont des envies et des enjeux différents. Il faut mettre en place des outils qui permettent d’arriver à des décisions soutenues par un engagement commun et qui induisent une responsabilité collective. L’intention seule conduit à un éparpillement. En mettent trop de poids sur les personnes on en oublie l’objectif à atteindre. C’est la porte ouverte aux conflits. La technique est un garde-fou. On met l’intention au service de l’outil.

S’il fallait résumer le but de ce livre, quel est-il ?

Pour construire une communauté et faire des choses ensemble, il faut que la confrontation avec l’autre soit constructive. Grandir en conscience de soi, même en présence de personnes dysfonctionnelles, c’est possible. Ce qu’on n’aime pas chez l’autre, ce qui nous dérange, nous rappelle ce qu’on ne veut pas pour soi. L’inverse est aussi vrai quand on admire quelqu’un. C’est dans la rencontre et le travail avec l’autre que l’on s’interroge sur la manière de s’améliorer en tant que personne. Finalement, le projet est de vivre ensemble en nous confrontant les uns aux autres, pour nous transformer et savoir coopérer sur la durée dans chacun de nos choix.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des cultes à la carte

Dans la Paroisse du Pied du Jura, de nouvelles formes de cultes adaptées aux goûts de chacun ont vu le jour. Coup de projecteur sur ces façons de célébrer dans cette série d’articles [1/8].

Une énergie renouvelée

Rassembler une communauté sur onze lieux de cultes et onze villages différents, le défi qui se présente est complexe. L’enjeu est d’éviter l’épuisement, de valoriser les temples et de permettre aux habitudes d’évoluer. Un long processus de transformation commence en 2017. Plusieurs éléments contribueront à nourrir cette mutation. Une lettre du Conseil Synodal de l’époque enjoint les paroisses à ne proposer qu’un seul culte le dimanche. La missive précise que le culte n’est pas d’abord un service à la population, mais le rassemblement de la communauté. La phrase génère un déclic auprès du Conseil paroissial. Un autre facteur déclenchant sera apporté par le pasteur, Etienne Guilloud, qui termine une formation en leadership interpersonnel. Il y puise des outils lui permettant de faciliter la mise en place du projet. En l’espace d’un été, une équipe se met sur pied et élabore les grandes lignes en lien avec le Conseil paroissial.

Cinq couleurs pour célébrer

Au terme de ce minutieux processus d’élaboration, de maturation et de concertations, cinq formes de célébration voient le jour. Certaines sont présentées comme des événements sous les labels “C’est la fête” ou “Sans limites”. D’autres signifient un attachement à l’héritage, c’est le cas des formes “Patrimoine” ou “Spéléo-bible”. Enfin, une forme “Oasis” cherche à rejoindre un public plus familial souhaitant se ressourcer.

La réflexion s’oriente également sur la communication puisque chaque public-cible est identifié. La recherche d’une optimisation des moyens d’information s’ajuste à l’effet recherché. La démarche de valorisation passe par une approche de type marketing. Mais celle-ci ne se résume pas à une simple opération cosmétique. Une réflexion en profondeur et un intense engagement dans la prière accompagnent la démarche avec pour but de mieux profiler les priorités paroissiales. Deux axes complémentaires sont élaborés en forme de slogan : “Diversifier pour rejoindre et rassembler pour stimuler”.

Innovation, tradition, évangélisation

Les innovations cultuelles ne sont pas reçues de la même manière par tous. « Certaines personnes se sont levées durant les annonces du culte pour manifester leur désapprobation, d’autres sont venues me dire qu’elles ne se reconnaissaient plus dans ces façons de faire », confie le pasteur, en observant l’impact des changements sur les paroissiens. Si les habitudes de célébrer sont bousculées par certaines formes liturgiques nouvelles, les cultes« Patrimoine » visent à montrer que le  changement n’est pas un reniement de l’héritage protestant. Les cultes« Spéléo-bible », permettent aussi d’approfondir de manière participative la compréhension du texte biblique.

Des ajustements sont encore nécessaires afin que chaque célébration trouve son public et sa forme optimale. De plus, au moment de la mise en œuvre, le pasteur a rejoint une autre paroisse et le covid-19 a grandement perturbé les plans. L’adversité n’a heureusement pas fait capoter le projet. Le Conseil ainsi que la nouvelle pasteure poursuivent le travail. En point de mire, la dimension de l’évangélisation est un axe fort. L’objectif est de faciliter l’accès des cultes à de nouvelles personnes.

Une série d’articles

Cette série d’articles entend lever un coin de voile sur l’expérience menée au Pied du Jura. Son ambition est de générer de l’intérêt pour une diversification dans les formes de célébration, de valoriser les démarches entreprises et de comprendre les difficultés. Plus largement, elle pose la question des pratiques liturgiques, des attentes, des traditions et des résistances au changement. L’histoire de ces formes de culte diversifiées n’est pas terminée. Elle se poursuit avec de nouvelles perspectives et de nouvelles questions. Nous en parlerons dans l’article conclusif. Tout d’abord, nous nous intéresserons aux différents aspects de ce projet au long cours. A son histoire, à la façon dont le projet a évolué, aux expériences menées et à leurs effets. Il y a de quoi s’en inspirer pour générer de nouvelles formes de célébration et rejoindre d’autres publics et d’autres manières de vivre et d’exprimer sa spiritualité réformée.

Une invitation de taille

« Je suis le cep, vous êtes les sarments et mon Père est le vigneron ». On aime utiliser cette image en Église. En particulier pour les croyant.e.s en tant qu’individus. Mais on pourrait l’employer pour l’Église en tant qu’institution, pour notre Église Réformée vaudoise. Et ici l’affaire se corse, car il est question de discernement, de renoncement et de conversion collectifs.

Combien d’activités maintenues parce que cela s’est toujours fait ? Combien de formes cultuelles conservées parce que la tradition est importante ? Combien de structures, dont les lourdeurs nous pèsent, mais que l’on conserve et entretient avec fidélité — ou servilité, c’est selon ?

Que faire ici du verbe émonder ? La question est difficile parce que dans le texte de l’Évangile de Jean (chapitre 15), ce ne sont pas les croyants qui tiennent le sécateur, mais le vigneron divin. Peut-être faudrait-il lire dans la désertion de certains lieux, événements ou activités, le signe qu’un sarment est desséché, prêt à être coupé. Peut-être faudrait-il parfois avoir le courage de regarder la réalité en face, sans se cacher derrière la beauté du petit troupeau ou du petit reste fidèle ?

À Paris, certaines communautés l’ont fait, comme la paroisse du Marais. Oser couper là où l’Esprit l’indique, sans critiquer les personnes qui jusque-là, souvent au prix de gros efforts, ont maintenu la flamme, ou plutôt les braises. Oser renoncer à une activité ou à un service, non pas par esprit frondeur ou volonté de se démarquer, mais parce que la vie ne les anime plus.

Renoncer à ce que l’on sait faire si cela ne fonctionne plus, à ce que l’on connaît si cela ne parle plus, à ce que l’on cultive si cela ne produit plus de fruit, c’est accepter d’entrer dans une terre inconnue. Autrement dit, c’est un Exode. Et cela devrait plutôt nous parler !

Bernard Bolay

 
Les impulsions du Labo Khi

Le renoncement est la pierre angulaire du changement, parce que le travail, le temps, l’énergie investis dans des activités et des offres qui ne touchent et ne mobilisent plus que quelques personnes habituées et fidèles empêchent de regarder en avant. Imaginer du neuf, être créatif ou simplement explorer, expérimenter, prospecter demande du temps et de l’énergie. La question est : comment l’Évangile peut-il aujourd’hui rejoindre le mieux le plus grand nombre de personnes et les personnes les plus diverses. On peut imaginer que cette question soit débattue avec les habitués et les fidèles qui savent comment et en quoi l’Évangile les transforme. Les explorations se lanceront toujours à partir des motivations de ceux et celles qui sont conscients de cette richesse.

Le livre et le rouleau

De nouvelles formes de présence de l’Église surgissent. Elles ouvrent à une compréhension qui ne se limite pas à l’horizon paroissial et qui invite à valoriser la diversité.

Sur l’icône que l’on appelle volontiers l’icône de l’amitié, le Christ tient contre lui un livre alors qu’Abba Mènas tient dans sa main un rouleau. Janine Aeby, membre de la paroisse réformée de St-Saphorin dans Lavaux, a écrit cette icône de façon moderne tout en respectant la belle tradition de prière. Lors de l’inauguration de l’icône, elle relevait avec finesse que le Christ tient tout l’Évangile dans sa main alors que Mènas n’en tient qu’une infime partie.

Ainsi, Mènas n’est pas responsable de l’Évangile entier, seulement de la part qui lui a été confiée. Mais il n’est pas seul. Il est membre du corps du Christ dans lequel chacun.e a reçu son rouleau, sa part à méditer, à faire grandir et fructifier. La vérité de l’Évangile se dit dans le rassemblement des rouleaux, non dans la mise en évidence d’un seul.

Ce qui est vrai au niveau des individus ne vaut-il pas aussi au niveau des Églises et des communautés chrétiennes ? En découvrant plusieurs d’entre elles à Paris au-delà des frontières ecclésiales, l’icône de l’amitié s’est toujours plus imposée à moi. Chaque communauté développe le rouleau reçu, son charisme, sa vision du monde, sa compréhension de l’Évangile. Elle le fait comme elle le peut, à partir de son histoire, de toutes les histoires qui la composent. À partir de son lieu et de son contexte. Pourquoi vouloir vivre à La Défense ce qui se vit au Marais ou à L’Escale ce qui se vit à Boulogne-Billancourt ? Et pourquoi, depuis St-Gervais juger de ce qui se passe à Hillsong et inversement ?

Mais rien n’interdit de s’inspirer du rouleau de Mènas, d’ouvrir son horizon à l’horizon d’autrui. Rien n’oblige non plus à rester prisonnier du rouleau reçu. Lui rester fidèle, oui ! mais en accueillant ce que d’autres ont reçu et compris.

La visite de plusieurs Églises ou communautés parisiennes me conduit au respect de la vocation d’autrui, dans la recherche aimante de ce qui lui est spécifique mais dont il n’est pas le propriétaire exclusif. Plus encore, elle m’invite à l’humilité, dans la confession que le génie d’autrui est source d’apprentissage et dans la reconnaissance que mon génie propre — et celui de mon Église — ne me place au-dessus de personne. L’aventure n’est pas terminée. Elle m’appelle à ne pas considérer mon rouleau comme le livre entier.

Bernard Bolay

 
Les impulsions du Labo Khi

Ne disposant pas d’une autorité hiérarchique, le protestantisme réformé a dû gérer, dès ses origines, la tension entre particularité locale et reconnaissance globale. « L’unité dans la diversité » a été un slogan qui reste aujourd’hui d’actualité. Comment faire pour que la diversité ne conduise pas à l’éclatement et que l’unité ne devienne pas uniformité ? On peut envisager cette question de manière dynamique en distinguant des phases. Dans l’idéal, il conviendrait d’alterner entre des temps de recentrement et des temps de recherche. Dans la réalité de la décroissance, on constate que presque toute l’énergie passe à soigner les personnes encore présentes. Parfois, l’idée même de rejoindre d’autres groupes sociaux n’est plus possible. Or la diversité des rapports au religieux, des références culturelles et des habitudes devrait induire une vaste recherche de nouvelles formes. Un fossé se creuse. Faut-il chercher à former les acteurs présents à faire du neuf au risque d’échouer lamentablement en considérant qu’on ne peut pas changer les mentalités ? Faut-il plutôt chercher à générer du neuf avec de nouveaux acteurs au risque de ne pas pouvoir les intégrer à l’institution ? Des options stratégiques se posent. Le débat est complexe, mais nécessaire. Le simple maintien d’un status-quo est sans aucun doute la pire des stratégies.

« Pause Monge », l’Évangile au service d’un quartier

Faire correspondre la dimension spirituelle aux besoins socio-culturels d’un quartier, c’est le défi que s’est lancé et qu’a réussi la Maison de l’Espérance de l’Église adventiste, située aux abords de la Place Monge dans le 5e arrondissement de Paris.

Juan Arnone, pasteur adventiste et directeur de la Maison de l’Espérance, est en fonction depuis deux ans, quand je le rencontre en novembre 2019. À peine arrivé, il s’est mis en tête d’enquêter auprès du voisinage. Que pensent-ils de la Maison de l’Espérance implantée ici depuis dix ans ? Ont-ils des attentes ou des désirs concernant l’animation du quartier ? La maison de l’Espérance peut-elle y contribuer ? Fort des informations recueillies, Juan a rencontré la mairie d’arrondissement et la mairie de Paris pour faire l’inventaire de ce qui se fait et de ce qui serait possible de faire.

Les « maîtres-maux » identifiés sont le stress, la solitude et la crise de la famille (divorce, famille monoparentale, etc.). Dès lors, le pasteur est convaincu qu’il faut développer le lien et l’amitié. Désormais, il s’emploie à faire de cette maison un lieu de rencontres, de formation, de découvertes et d’expérimentation. Il met sur pied le programme « Pause Monge » dont l’intitulé fait écho à la Place Monge située à quelques pas de là.

Le programme varié et coloré est en lien avec les valeurs de la communauté adventiste : valorisation de la famille, soutien à la culture, exercice concret de la solidarité, promotion de la vie et de la santé. Différents ateliers sont proposés : parler espagnol, découvrir l’hébreu, débuter la guitare, cuisiner végétarien, travailler la musculature et le cardio, communiquer dans le couple, s’exercer à la parentalité, révéler sa voix… Au-delà du développement personnel, Juan Arnone défend un vrai projet pédagogique : mettre des personnes en relation et ouvrir des pistes possibles de changement personnel. Quand cela se présente, il convient de prendre acte de l’écart existant entre ce qui est appris et ce qui est vécu, entre un désir et la réalité. C’est ici que la dimension spirituelle trouve sa place, comme une proposition de sens, jamais imposée, jamais contrainte.

La recherche du bien commun, au service de la communauté humaine, c’est aussi cela l’Évangile.

Bernard Bolay

 
Les impulsions du Labo Khi

L’intuition présente dans cette démarche nous semble porteuse. Non seulement elle part d’une enquête qui recherche une adéquation avec les besoins de la population, mais elle vise à remettre en question les offres et activités présentes. Complétant cette recherche de terrain avec des données objectives, obtenues de la mairie, elle profile une offre qui se donne toutes les chances d’être bien reçue parce qu’en réponse à des besoins. Fortes de cette idée, les paroisses pourraient effectuer ce type de démarches de proximité pour comprendre comment elles sont perçues et comment elles peuvent le mieux contribuer au bien commun. Elles pourraient même se donner comme objectif de renouveler régulièrement cette opération pour l’installer dans un questionnement qui perdure. Nous sommes convaincus que l’adaptation permanente à une société qui change rapidement offre des clés de proximité avec un Évangile réputé prophétique.

Les bras ouverts du Dorothy

Depuis 2017, un havre de générosité a ouvert ses portes dans le 20e arrondissement de Paris. Ce café-atelier rayonne de mille activités qui décloisonnent le religieux avec un esprit pionnier.

Rue de Ménilmontant, le Dorothy, café et atelier, accueille quiconque en pousse la porte. Je suis seul cet après-midi et Fanny m’accueille avec le sourire en me proposant de m’asseoir et de prendre à boire. L’échange est amical, fraternel et profond. Fanny, le mercredi, assure bénévolement la permanence du café et pour cela elle a limité son temps de travail.

L’espace est immense, meublé avec de la récupération et le savoir-faire d’un membre de l’équipe. Ce lieu doit son nom à la militante du catholicisme social américain Dorothy Day (1897-1980).

La question que se posent ici les membres du collectif est la suivante : «Comment vit-on la charité concrètement ?» D’abord en cherchant à répondre aux besoins des gens de ce quartier populaire. Pour cela, une palette d’ateliers enseigne comment fabriquer une table, installer une robinetterie ou faire soi-même des produits cosmétiques écologiques.

Plusieurs membres du collectif sont de jeunes intellectuels désireux d’articuler savoir, action et foi. Chaque mois, ils organisent des cycles de conférences sur des thèmes de société et d’actualité : «Féminisme et libéralisme», «Mourir au XXIe siècle», «Médecine et santé» …

Le collectif n’a pas la prétention de répondre à tous les besoins. Aussi le Dorothy accueille-t-il d’autres associations qui respectent l’esprit du lieu : des cours de français pour la population étrangère, le Carillon pour la distribution de nourriture aux personnes sans-abris, du conseil administratif, de l’aide aux personnes sans-papiers, du soutien scolaire. En écrivant ces lignes, je remarque le souci éthique évangélique qui caractérise la démarche. Il n’est pas question de sans-abris ou de sans-papiers, mais de personnes sans papiers ou abris. Et cela change tout. D’ailleurs Fanny se fait un point d’honneur à retenir que telle personne aime son café avec deux sucres et que telle autre ne boit que du thé.

Chaque semaine, un temps de prière, de louange et de lectio divina rassemble les membres du collectif dans une recherche commune de cohérence entre vie et foi. Toujours dans un esprit non dogmatique et une pratique du débat qui autorise les désaccords. Chacun se considère comme en recherche de vérité.

Le Dorothy est un point de repère dans le quartier. Depuis quelques temps, une voisine vient nourrir les chats du coin. C’est sa manière d’apprivoiser les lieux, sans encore oser en pousser la porte. Et personne ne la forcera.

Bernard Bolay

 
Les impulsions du Labo Khi

L’optique du Dorothy est clairement de créer du lien social. La capacité à être centré sur les besoins des usagers rend le lieu dynamique. La composante spirituelle s’intègre harmonieusement et fait sens sans être perçue comme du racolage. La variété et la complémentarité des offres génèrent une mise en réseau dont le rayonnement dépasse largement les frontières paroissiales.
Il fait penser à cette église rurale de l’Est de la Grande-Bretagne qui a ouvert un café villageois dans ses locaux pour élargir son horizon socio-culturel.
Dans les deux cas, la recherche d’adéquation au contexte joue un rôle clé. Ainsi, la démarche de foi est-elle intégrée par l’exemplarité vécue en toute simplicité.

Un culte au théâtre

Depuis quelques années le mouvement des méga-églises impacte les grandes villes européennes. Les cultes-spectacles séduisent beaucoup de jeunes. Ils y trouvent un style qui leur correspond et ils se laissent immerger dans une masse croyante qui leur procure sécurité et stimulation.

La communauté Hillsong se réunit à Bobino, le célèbre music-hall parisien. À 9h45, une foule bigarrée se presse déjà dans la cour et dans l’entrée. Un important personnel d’accueil propose du café. L’ambiance est amicale, des rires et des salutations joyeuses jaillissent de toutes parts.

Un homme d’un certain âge m’aborde et me demande si c’est la première fois que je viens. La discussion se noue, nous nous découvrons des connaissances communes. J’apprends qu’il a été pasteur dans des communautés évangéliques jusqu’au milieu des années 90. Un divorce, une compagne avec laquelle il n’est pas marié. Il est devenu persona non grata au sein de sa propre Eglise. Ce n’est qu’ici, à Hillsong, qu’il retrouve une communauté accueillante dans laquelle il peut vivre la louange.

Avec un quart d’heure de retard, les portes qui conduisent à la salle s’ouvrent. Les places se remplissent rapidement. Le personnel se charge de guider les quelques retardataires vers les sièges encore inoccupés. Un journal attend chacun. Le show peut commencer, comme au théâtre !

La musique est bonne ! La musique sonne ! Une demi-heure de louange conduite par des professionnels : une chorale d’une quinzaine de personnes, six musiciens, deux chanteurs dans la lumière et quatre autres à leurs côtés. L’assistance, debout, reprend les refrains, les mains en l’air pour certains. La sono est si forte que je dois me boucher les oreilles. Je n’ai pas pensé à prendre des tampons auriculaires !

Brendan White, le pasteur principal prend la parole. En anglais, traduit par une jeune femme. C’est l’occasion d’entendre deux fois le même message. Simple et direct : Dieu est présent, il va répondre à toutes les prières que l’assistance a pu écrire sur des feuilles de couleur disposées à l’entrée. Le pasteur invite régulièrement à dire Amen ! L’assemblée y répond joyeusement, avec des applaudissements.

Je filme depuis quelques minutes. Une tape sur mon épaule. Un des équipiers me signale que je ne suis pas autorisé à filmer de longs moments.

Le pasteur annonce une pause de trois minutes pour faire connaissance avec une personne voisine. Pour moi, une jeune femme de couleur qui désire savoir si c’est la première fois que je viens à Hillsong. Ce n’est qu’à la fin du temps imparti que je peux lui demander qui elle est !

Les cinquante minutes suivantes sont consacrées à deux offrandes. L’offrande dominicale ordinaire, suivie d’une offrande spéciale intitulée « Un cœur pour la maison ». Si la première offrande est rapidement présentée, la seconde fait l’objet d’une attention très particulière : présentation d’un film-témoignage, quasi publicitaire d’une vingtaine de minutes suivi d’une exhortation à donner « pour aller de l’avant », pour « agrandir l’espace de la tente » (Es 54,2-3). On comprend que Hillsong se trouve à l’étroit dans ses locaux actuels. Le don que chacun.e est invité à faire est comparé à un sacrifice auquel Dieu répondra en ouvrant les « écluses des cieux » (Ml 3,10). Pour discerner ce qu’il faut offrir, la chanteuse du jour interprète une ballade.
Un piano et une guitare soulignent des paroles qui demandent à Dieu de faire de sa vie une « chambre haute » et lui promettent de donner le peu qu’elle possède. Enfin, le pasteur et son épouse prient encore pour cette offrande et pour celles et ceux qui vont donner.

Le culte se termine abruptement sur un appel à la conversion et un dernier chant.

Je sors un peu déboussolé de tout ce bruit dans mes oreilles. Personne ne m’arrête ni ne cherche à prendre contact. C’est que, déjà, le public du prochain culte emplit la cour.

Pourquoi va-t-on à Hillsong ? Pour l’accueil, sans doute, et l’atmosphère décontractée. Pour la musique participative employant les tempi, rythmes et lignes mélodiques de la musique anglo-saxonne contemporaine. Pour l’affirmation répétée de la présence de Dieu et la conviction que c’est ici et maintenant qu’à lieu la rencontre avec Dieu.

Bernard Bolay

 
Les impulsions du Labo Khi

L’avantage des méga-églises c’est la foule, justement. On peut y vivre un moment incognito, tisser des liens et se faire connaître à son propre rythme. Progressivement, on en vient à faire partie des réguliers qui se réjouissent de retrouver des visages connus. C’est libre ! Le récit de Bernard Bolay nous amène à analyser quelques ingrédients qui font la qualité de l’accueil.

Le café, le guide pour les retardataires, l’ambiance musicale et le sourire des bénévoles favorisent l’intégration dans le groupe. L’expérience immersive de la masse vient alors renforcer le sentiment d’appartenance. Tout est fait pour que l’expérience de cette rencontre soit marquante parce qu’elle est « orientée utilisateur ».

Et si on se mettait « dans la position » des visiteurs de nos cultes ? Quels seraient les ingrédients à adapter, à renouveler et à créer ? Et quelles seraient les personnes le mieux à même de générer une expérience communautaire positive ?

Une oasis liturgique au milieu de Paris

La fraternité monastique de Jérusalem est un mouvement international dont l’objectif est de vivre une vie monastique au cœur des villes. Elle anime des offices religieux qui offrent aux visiteurs des espaces de prière ressourçants.

Caroline Bretones, pasteure dans la paroisse du Marais, à la fin d’un entretien me demande : « Aimes-tu la liturgie ? Alors va à St-Gervais ! ». J’y vais.

17h50, en l’église de St-Gervais – St-Protais, une dizaine de personnes occupe l’immense espace de la nef, dans une relative obscurité. Dans le chœur, vêtus de blanc et agenouillés, les membres de la Famille de Jérusalem. Une douzaine d’hommes à gauche, une petite vingtaine de femmes à droite. Ce sont deux fraternités monastiques réunies sous un même toit. Un même esprit de famille les anime, un même appel les rassemble : contempler Dieu dans la cité des humains, leurs frères et sœurs. La plupart travaille à mi-temps à l’extérieur, l’autre mi-temps étant consacré à la prière, à l’adoration et à l’étude de la Bible.

18h, office des vêpres. La lumière se fait dans l’église. L’assistance s’est étoffée. Nous devons être une quarantaine pour chanter les psaumes, écouter une page de St-Augustin et prier.

18h30, messe. Je compte au moins septante personnes rassemblées pour la célébration de l’eucharistie. Une brève homélie sur la parabole de l’économe malhonnête et avisé (Lc 16,1-8), en écho au texte d’Augustin qui méditait ce même passage de l’évangile. La liturgie est traditionnelle. Elle est agrémentée du chœur des sœurs et des frères.

Au moment du souhait de paix que chacune et chacun est invité à adresser à ses voisins, les hommes et les femmes de la Famille de Jérusalem viennent à la rencontre de l’assistance. C’est un beau moment de fraternité où le blanc de leur habit se mélange aux couleurs plus ternes de nos vestes et de nos manteaux.

Au cœur de Paris, entre foule pressée et circulation intense, une communauté prie et offre à celles et ceux qui le désirent une pause bienvenue. Après plus d’une heure et demie passée dans cette église, je ressors plus léger.

Bernard Bolay

 
Les impulsions du Labo Khi

Du côté protestant, le nouveau monachisme se développe à la fin des années 90. L’idée est de vivre un engagement communautaire de prière au centre de la vie trépidante. C’est aussi le constat de la prééminence de l’activité professionnelle et du besoin de trouver des espaces de sérénité. Le rapprochement des « deux mondes » permet un ajustement entre la prière et l’environnement. Et puis, la visibilité de l’engagement spirituel interroge. Parfois, il suscite un chemin de foi chez celles et ceux qui croisent ces communautés. Une telle visibilité bouscule quelque peu nos habitudes protestantes de retenue et de discrétion. Et pourtant ! Nombreux sont les groupes ou cellules de prières de nos villes et villages qui prient pour le monde qui les entoure. Pourquoi ne pas les mettre en lumière ? Leur visibilité et leur ouverture à l’accueil du passant permettrait certainement des rencontres spirituelles fructueuses. Certains lieux comme l’Oasis nomade à Vevey proposent des temps de spiritualité avec une « liturgie » simple et en adéquation avec les demandes des participants. Faire un effort de visibilité augmente la surface de contact avec ceux qui sont parfois bousculés dans notre société.

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